Demain soir, je fêterai Noël à la japonaise, ce qui veut dire… euh… rien en fait. Pas de sapin, pas de guirlandes, pas de boules hormis celles contenues dans mon caleçon.
Ceci étant, on va quand même faire la fête.
Comme chantait Laurent Gerra dans son célèbre tube Le doigt dans le cul, ce sera “la fête à ma bite”.
Je le disais ici, Noël n’est pas ce qu’on pourrait appeler l’événement de l’année au Japon. L’aspect religieux relève de l’anecdote, cantonné à une infime minorité de chrétiens. Reste la fête commerciale, ce que Noël est devenu même dans les pays de tradition chrétienne (cf. la France par exemple). Sauf que là aussi, faut reconnaître que le suivi est faiblard. A la suite des expatriés qui cherchaient de la dinde et se sont rabattus sur le poulet (pour le plus grand profit de KFC), certains Japonais bâfrent de la volaille pour l’occasion. Les rues des grandes villes se parent d’immondes ornements de circonstance. Le pédophile rougeaud Santa-san (サンタさん) est de sortie. Et c’est à peu près tout. Au-delà du décorum de foire, le grand néant.
Si le Père Noël est populaire, tous les gamins n’y croient pas, loin de là. Hanako-san le surclasse largement. Quant à la pratique de couvrir les moutards de cadeaux qu’ils briseront dans les deux jours, elle se répand, mais n’est pas une règle, il s’en faut de beaucoup. Sans doute à cause des multiples fêtes en l’honneur des marmots tout au long de l’année (Hina Matsuri, Kodomo no hi, Shichi-go-san…). Le budget cadeaux, pas extensible à l’infini, a ses limites.
En gros, Noël, on s’en branle royalement.
Pâques aussi, d’ailleurs. Peu de chrétiens, encore moins de juifs, donc voilà. Un jour faudra que je vous raconte comment des Japonais m’ont regardé avec des yeux ronds comme des billes quand j’ai essayé de leur expliquer Pâques et ses traditions, l’agneau pascal, les lapins qui pondent des œufs, les cloches volantes… Bel amalgame aromatisé au LSD…
Enfin bref, on peut s’asseoir sur ces deux fêtes en vertu de l’adage “Noël au Japon, Pâques dans ton fion”.
Popaul-san sera pourtant à la noce. Avec la poésie qu’on lui connaît, le Père Noël des calbars, bonnet rouge et tête rubiconde, ramonera la cheminée de Yumiko pour y déverser sa hotte de foutre.
Car le 24 décembre, au Japon, est synonyme de soirée en amoureux, de romantisme et de baise à outrance. En témoignent les restos bondés de couples… ainsi que les hôtels.
Saint-Valentin et White Day fonctionnent à sens unique (femmes -> hommes le 14 février, hommes -> femmes un mois plus tard ; tout est là), mais ce soir, ce sera à double sens, au propre comme au figuré, pour la plus grande joie des érudits du kamasutra.
La tradition consistant à “passer un moment en famille” (家族と過ごす日) est loin de rattraper le tête-à-tête en amoureux (恋人と過ごす日, littéralement “passer la journée avec l’être aimé”). Surtout chez les jeunes, somme toute logique, puisqu’ils n’ont pas d’enfants à gâter-pourrir en ce jour maudit.
Vivre au Japon me réconcilie avec Noël. Au lieu de déballer des cadeaux, je déshabillerai ma fiancée. La dinde sera proprement fourrée et je me taperai de la poulette comme il se doit. A grand renfort de champagne et foie gras, parce qu’on ne va pas se laisser mourir (merci papa et maman pour le colis de survie).
Cette année, notre Noël ressemblera à une orgie à mi-chemin entre ça et ça…