Love is all there is

J’ai toujours clamé haut et fort que la Saint-Valentin, c’était de la merde.
Je n’ai pas changé d’avis… sauf que maintenant, je dois me contenter de le hurler intérieurement.

Be my Valentine ou je t’arrache le cœur !

Pourquoi pensé-je que la Saint-Valentin, comme Guizmo, c’est caca ?
1) Les fêtes “catholiques” et moi, ça fait deux. Je mets des guillemets au motif que c’est aussi catholique que je suis la reine d’Angleterre, l’origine de la fête étant comme d’habitude païenne (donc digne de respect). D’autant plus si on considère qu’aucun texte ne mentionne le moindre rapport (sic) de saint-Valentin avec les choses de l’amour.
2) Le côté marketing évident qui profite moins aux amoureux qu’aux chocolatiers, fleuristes, restaurateurs… L’avantage pour ceux qui souscrivent à la coutume, c’est qu’ils peuvent chiffrer leurs sentiments au centime près en fonction de ce qu’ils dépensent ce jour-là pour l’élu(e) de leur cœur. Et faut reconnaître que la facture est généralement à sens unique en faveur des dames…
3) J’ai passé l’âge de croire au Père Noël et à toutes les conneries du même tonneau (sentimentalisme, romantisme, mièvrerie et symbolique cardiaque à deux balles).
4) Enfin, faudra qu’on m’explique en quoi c’est super génial trop de la balle de montrer son amour UN jour dans l’année et surtout sur commande parce que c’est ce jour-là et pas un autre. N’est-on pas censé aimer quelqu’un avec la même ferveur 365 jours par an ?

Pourquoi dois-je tempérer mon volcanisme vitupérateur ?
1) Ma chère et tendre, grande traditionnaliste dans l’âme, m’ayant déclaré sa flamme un 14 février, j’ai donc dû la mettre (sic)  dans une une catégorie à part, dite “l’exception qui confirme la règle”, alias “les arguments de mauvaise foi ne m’ont jamais empêché de dormir”. Je milite pour une grande cause : la paix des ménages, en l’occurrence le mien.
2) L’origine romaine de la fête valorisant la fertilité et donc l’amour physique plutôt que les fadaises sentimentalistes, finalement, je le vis comme un retour à mes racines latines.
3) Le Japon compte pas moins de 3 saint-Valentin ou assimilés, les 14 février, 14 mars et 24 décembre… Ce qui est d’ailleurs assez marrant quand on sait que le mariage japonais se fonde d’abord sur des arguments pratiques : un mari apportant la sécurité matérielle et une femme de maison qui fasse tourner la baraque. Toujours est-il qu’avec un calendrier de (ré)jouissances aussi chargé, je suis forcé de la mettre en veilleuse pour ne pas me faire caillasser.

Mais bon, on m’enlèvera pas de l’idée que cette fête est de la connerie en branche.

Noël au Japon, Pâques dans ton…

Qu’est-ce que Noël vient faire sur le tapis ?
Au Japon, Noël, on s’en balance. Qui le fête ? Les gaijin. La petite communauté de Japonais chrétiens. Quelques autochtones qui évacuent l’aspect religieux pour se limiter aux cadeaux aux enfants.
Mais le 24 décembre, notamment chez les jeunes, est aussi le jour où les amoureux se déclarent l’un à l’autre. Sans doute leur façon de croire au Père Noël et de prier de ne pas se prendre un râteau. Selon comment se conclut la déclaration, vous pourrez peut-être “passer par la cheminée”. Bref, c’est d’abord la fête des amoureux avant d’être celle de l’invention du pin’s la naissance du Christ.

La “vraie” Saint-Valentin (バレンタインデー ou セントバレンタインズデー pour (saint) Valentine Day) du 14 février est très bien implantée, quoique de “tradition” récente. C’est une “pure” invention marketing des chocolatiers sur le sol nippon (les guillemets tenant au fait que tout ce qui est marketing est tout sauf pur à mes yeux et que j’ai un stock de guillemets à écluser avant péremption). Depuis 2011, les fleuristes se sont joints à la danse avec des campagnes pour le Flower Valentine (フラワーバレンタイン).
La Saint-Valentin japonaise, à la différence de sa version occidentale, a ceci d’avantageux pour les hommes qu’elle ne coûte pas un radis. Messieurs, avant de vous réjouir, attendez d’avoir lu la suite, vous déchanterez très vite. Autre différence, sans se limiter aux amoureux, c’est davantage une fête de l’amour à prendre (sic) au sens large, incluant tendresse filiale et amitié.
La tradition ayant été lancée par des chocolatiers à grand renfort de pub, personne ne sera surpris que la coutume consiste à offrir des chocolats. Evidemment, en version japonaise, une boîte de chocolats tout bêtes devient un protocole diplomatique codifié comme pas permis…

  • Les sewa choco (世話チョコ) expriment un sentiment affectif autre qu’amoureux. Par exemple, les papa choco (パパチョコ) que les filles offrent à leur père ou les “chocolats de l’amitié” (友チョコ, tomo choco) que les nanas s’offrent entre elles sans que ça implique un broutage de touffe ultérieur.
  • Les giri choco (義理チョコ) sont offerts aux collègues masculins, patrons ou membres de la famille. Expliquer la notion de giri remplirait un bouquin, je vais donc la faire courte en la résumant aux concepts des devoirs et obligations qui lient les Japonais les uns aux autres. En positif, on traduit giri choco par “chocolats de courtoisie”, en négatif par “chocolats d’obligation” (soit parce que le récipiendaire a une dette envers celle qui les offre, soit parce que le donateur est obligé de les offrir par politesse). La popularité d’un individu est proportionnelle au nombre et à la qualité des chocolats qu’il reçoit. Les plus malins s’offrent leurs propres chocolats (自分チョコ, jibun choco). Certains devront se contenter de chocolats bon marché (超義理チョコ, chō-giri choco). Les giri choco n’ont pas de connotation sentimentale autre que faire plaisir à quelqu’un qu’on “aime bien” en général – excepté dans les cas de “cadeau obligatoire” ou des chocolats bas de gamme qui foutent la honte.
  • Les honmei choco (本命チョコ, litt. “chocolats du favori”) sont offerts à l’être aimé. En Occident, on ne se casse pas la tête et on ne cherche pas midi à quatorze heures : on achète tout fait et le geste est sans équivoque. Sachez mesdemoiselles qu’au Japon, il est bien vu qu’une femme cuisine elle-même ses chocolats. Le fait est que 1) ça en jette de dire “je les ai faits exprès pour toi” ; 2) une bonne cuisinière en profite pour étaler ses talents culinaires et se valoriser comme maîtresse de maison (pragmatiques jusque dans les sentiments, ces Nippons). Comme la tradition japonaise veut qu’une femme fasse preuve de discrétion (ou pour être plus précis, qu’elle s’écrase en toute circonstance), les chocolats doivent être offerts avec un air gêné… mais éventuellement accompagné d’un petit mot pour expliciter les intentions, des fois que des mecs dans mon genre, un peu cons sur les bords et pas forcément réceptifs aux signaux trop subtils, ne comprendraient pas le but de la manoeuvre. Et puis avec les 12000 catégories de chocolats offerts en cette occasion, mieux vaut être claire.

A noter que dans le cas des giri et honmei choco, une femme avertie en vaut deux calculera bien son coup/coût en prévision du retour sur investissement le mois suivant (n’est-ce pas, Yumi ?…).

C'est pas des petites boîtes, vous comprendrez pourquoi au paragraphe suivant.

En effet, un mois plus tard, le 14 mars, arrive le White Day (ホワイトデー). L’origine se perd dans les brumes de l’Histoire. Ou plutôt, on connaît bien l’origine de certaines coutumes qui ont 2000 ans d’âge alors qu’on ignore tout de cette fête sortie du néant en 1980. Une théorie veut que la couleur blanche soit une référence aux guimauves, l’événement ayant démarré comme un Marshmallow Day (マシュマロデー).
Toujours est-il est que l’idée était que les hommes renvoient l’ascenseur et se fendent à leur tour de chocolats d’amour ou de courtoisie. Sur le papier, l’idée rendait plutôt bien d’accomplir un pas dans un domaine – l’égalité des sexes – où le Japon a certes beaucoup progressé (puisque parti de très très bas) mais est encore à la traîne.
Sauf que, si on vous a offert des giri ou honmei choco, la tradition du match retour est d’appliquer l’adage “mon chocolat s’appelle revient et c’est un mot compte triple” (traduction personnelle de 三倍返し ou 3倍返し, “triple retour”). C’est-à-dire que la valeur de votre cadeau doit être trois fois celle de ce qu’on vous a offert. Coïncidence marrante, le 14 mars est aussi le jour de la célébration du nombre pi (π = 3 et des poussières).
Moralité, si toutes les secrétaires de votre boîte vous adorent et vous ont couvert de giri choco, l’effet boomerang vous fera prendre cher. Allez savoir pourquoi, le 14 mars est nettement moins populaire que le 14 février et beaucoup d’hommes le zappent carrément, les plus polis se contentant de refuser les présents le 14 février.
Comme son nom l’indique “clairement”, si je puis dire, on offre de préférence des chocolats blancs (ou des guimauves), ou à l’élue de son cœur des trucs de filles clairs ou blancs (lingerie, bijoux, sacs…).
Chez les jeunes, l’usage est d’offrir un ruban blanc à sa future dulcinée (ou futur râteau). Si la donzelle arbore le ruban à la fin de la journée, vous avez tiré (sic) le gros lot.

Le masque blanc ne fait pas partie des cadeaux.