Recommandations d’usage

Je viens de me taper une grosse barre !
Non, je n’ai pas couché avec Rocco Siffredi. J’ai lu les conseils du Ministère des Affaires Etrangères sur le Japon.

Le contexte : une amie française qui compte se payer “prochainement” (façon de dire qu’elle n’en sait rien) un voyage au Japon m’a demandé ce que valait le topo du Ministère des Affaires Etrangères. J’ai répondu que tout document émanant d’une administration était par définition déconnecté de la réalité, bourré de conneries, sans doute pondu par un type qui n’a jamais mis les pieds hors de son bureau et rédigé sur la foi de types qui ont tiré de grandes théories à partir d’un fait isolé. Là-dessus, j’ai ajouté que j’allais quand même le lire, des fois que mon affirmation aussi gratuite que méchante mériterait quelque nuance.
Sans me livrer à un commentaire mot à mot de cette page longue comme un jour sans pain, voici, décortiqués, ces fameux conseils.

Sécurité

  • Au moins, le topo ne commence pas par une ânerie. Le Japon est dans l’ensemble un pays sûr. On notera quand même cette belle lapalissade : “comme partout dans le monde, des vols peuvent survenir”. Merci de l’info.
    Concernant cette histoire de GHB, je n’en ai jamais entendu parler, mais je ne m’y suis jamais intéressé non plus, faute de traîner dans les bars à hôtesses. Et puis n’habitant aucun des quartiers cités… Je reste de toute façon partisan des méthodes à l’ancienne : un bon coup de massue sur le crâne.
    La police et ses kōban “très repérables dans le tissu urbain” vous fourniront effectivement l’aide annoncée… sous réserve que la langue ne pose pas de barrière. En français, n’essayez même pas. En anglais, c’est pas toujours gagné non plus, même si en général dans les quartiers à forte concentration touristique, la plupart des agents baragouinent que le globe-trotter lambda (bourré de fautes et avec un accent à couper au couteau).
  • Suites des catastrophes du 11 mars 2011. A moins de vouloir baguenauder dans une zode irradiée…
  • Avertissement concernant la drogue. C’est un point sur lequel les autorités ne déconnent pas. Les amateurs de joints auront intérêt à se mettre à la diète (ou à se montrer particulièrement discrets, c’est vous que ça regarde, on vous aura prévenus).
  • Avertissement concernant les animaux sauvages. Faites comme ils disent, ça se passera bien. Et évitez les ours. Notez quand même que “des agressions parfois mortelles par des ours sont recensées tous les ans”, sans chiffres pour préciser, on ignore si ces attaques ont lieu 2 fois par an ou 10000. Vérification faite, on compte selon les années entre une soixantaine et une centaine d’attaques, entre une demi-douzaine et une douzaine de morts plus une centaine de blessés.
    A part les ours et les singes, on citera aussi les daims, visiblement oubliés. Tout le monde a entendu parler de Nara et de ses daims qui se promènent en liberté. C’est le cas dans d’autres parcs ailleurs au Japon. Sans être forcément agressif, le daim affamé peut se montrer entreprenant. Et quand vous leur donnez à bouffer – on peut acheter sur place des biscuits à leur refiler –, faites gaffe de ne pas laisser vos doigts traîner dans leur bouche…
  • Risques de catastrophes naturelles. Déjà, on évite de paniquer au moindre petit frémissement, sans quoi on passe vraiment pour un con. C’est seulement quand les locaux commencent à s’affoler que les choses deviennent sérieuses.
    Il n’y a pas de connerie à relever dans le topo du ministère… si on met de côté le fait que la plupart des consignes consistent surtout à prévenir des gens (pour identifier le corps si les choses tournent mal ? pour que vos héritiers se frottent les mains ?). Pour sauver votre peau, par contre, faudra vous contenter d’une vague indication : appliquer les consignes des autorités locales… qui comme leur nom l’indiquent s’expriment surtout dans la langue locale. Suivez le mouvement et allez où vont les Japonais, c’est plus compliqué que ça.
  • Typhons et météo. Il manque juste une info de taille, l’oubli désastreux de l’Agence météorologique, dont le site existe en version anglaise. On y trouve en temps réel les prévisions climatiques standards, les préfectures soumises à des alertes (pluies diluviennes, grand froid…), les typhons, tsunami, tremblements de terre et volcans. Si avec ça vous ne savez pas quelle catastrophe aura votre peau, c’est que vous le faites exprès ! Ballot de ne pas l’avoir mentionné…
  • La carte est simplement hilarante. Déjà, l’échelle comporte trois couleurs, mais seuls le rouge et le jaune sont utilisés. Quel intérêt d’avoir du orange ?… Ensuite, on remarque qu’à l’étranger, l’environnement est forcément dangereux. Y a pas de vert. Nulle part. Jamais.

Transports

  • Pas grand chose à dire de l’ensemble. Je n’ai aucun permis français ou japonais, pas plus que de véhicule motorisé, et je ne sais pas conduire. Nous nous trouvons donc hors de mon domaine.
  • Voiture. Je me marre bien en lisant que le permis international n’est pas reconnu. Quel intérêt de pondre un tel permis dans ce cas ? Je suppose qu’en plus l’obtenir n’est pas gratuit… Pas sûr que la traduction légalisée du permis français le soit davantage. Enfin tout ceci relève à mon sens du pur foutage de gueule quand on voit que l’essentiel des infos d’un permis est valable dans toutes les langues. Les nom, prénom, dates de naissance et d’obtention du papier rose ne changent pas d’un idiome l’autre… Conneries administratives…
    Contrairement à ce qui est énoncé, la “signalisation routière en caractères romains” ne s’est pas développée. Celle en caractères latins, si. Ben oui, rōmaji = alphabet romain (ou alphabet latin ou caractères latins). Parler de “caractères romains” est impropre puisqu’ils désignent l’écriture droite par opposition aux caractères en italique.
  • Train. Le ministère se montre peu disert sur le train, logique vu les contre-performances de la SNCF comparée à son homologue nippon. Je vous renvoie ici. Accessoirement, quoique bref, ce paragraphe est truffé d’erreurs et d’oublis. Le JR Pass ne s’achète qu’en-dehors du Japon. En pratique, vous achetez un bon, lequel ne s’échange qu’au Japon contre le précieux sésame. Faut le savoir avant, pour pas se retrouver emmerdé sur place et voyager plein pot. Le trajet est certes illimité pour la durée de validité, mais dans la limite de certains trains (les Mizuho et Nozomi sont exclus). Tout est expliqué , il y a même une VF. A lire en détail vu le nombre de paramètres, de cas de figure, d’exceptions, de petits caractères.

Entrée/séjour

Pour les questions de visa, mieux vaut aller sur le site de l’ambassade du Japon, car la seule info annoncée est on ne peut plus vague… et pas toujours vraie. Le visa est certes obligatoire pour une durée supérieure à 90 jours, mais il peut l’être dans d’autres cas de figure. Sans parler des motifs de votre séjour qui peuvent occasionner de la paperasserie supplémentaire (notamment l’exercice d’une activité professionnelle).
Sur le flicage biométrique à l’entrée du territoire, on n’y coupe pas. Je me marre toujours autant d’entendre des gens crier au scandale. On est déjà tellement fiché de partout qu’apparaître dans une base de données de plus ou de moins…

Santé

Le recueil de perles…

  • Le laïus rassurant sur les contrôles alimentaires depuis la catastrophe de Fukushima oublie de mentionner un nombre conséquent de fraudes, chiffres bidons, rapports maquillés, provenances fantaisistes, produits qui devraient être retirés mais circulent quand même… Comme le foin de ces dernières semaines avec la viande de cheval en France. Bref, ça vaut surtout sur le papier. Je n’ai pas encore de bras supplémentaire, je ne brille pas dans l’obscurité, donc faut croire que les normes sont à peu près respectées en dépit de scandales réguliers sur des fraudes découvertes.
  • La liste des numéros utiles comporte quand même le numéro de téléphone portable “en cas d’urgence” d’un médecin francophone de chez moi. Avec l’indicatif depuis la France. Des fois que vous vous sentiriez mal à Lille, Paris ou Bordeaux et que vous vouliez n’avoir affaire qu’à un toubib du bout du monde. Le temps qu’il vienne vous ausculter, si réelle urgence il y a, autant appeler directement les pompes funèbres au coin de la rue.
    On notera la présence d’un “service d’information en langue étrangère”. C’est une langue, l’étranger ? Et une langue étrangère par rapport à qui ? Au Français qui lit le topo ? Au Japon qui abrite le service ?
    Enfin, la Tokyo English Life Line comporte, comme son nom l’indique “quelques bénévoles francophones”. Vous pouvez donc appeler une ligne anglaise en demandant quelqu’un qui parle français. D’une logique renversante…

Compléments

  • Us et coutumes. Un paragraphe qui fleure bon le pittoresque, rédigé sur le ton à peine condescendant du colonisateur pour qui tout usage local est par définition archaïque, incompréhensible, débile ou inférieur. Z’ont qu’à faire comme nous, ces cons. Donc au Japon, y a deux coutumes : on se déchausse, on mange avec des baguettes. La palme du résumé le plus bref de la civilisation japonaise.
  • Législation locale. Attention, le Japon est un cas particulier. “Tout (…) acte de violence, vol à l’étalage… peut vous amener à être conduit au commissariat.” Sans blague ?… Moi qui croyais qu’on pouvait y tabasser, tuer, voler, violer, incendier impunément…
    La drogue est décidément une idée fixe, c’est la troisième itération du sujet dans cette fiche pratique….
  • Divers. Un fourre-tout dont on retiendra que l’hiver, il neige et que l’été, il fait chaud. Merci. J’en connais un à qui cette info édifiante fera plaisir (n’est-ce pas, David ?…).
Le Japon et ses dangers.
Le Japon et ses dangers.

Bon, j’en ai dit beaucoup de mal, parce que j’aime bien tirer au lance-roquettes sur l’ambulance. Si j’étais plus mesuré, je dirais que ce topo n’est pas trop mal fichu… mais pourrait être largement meilleur. Trop général sur certains points ou à l’inverse focalisé sur des détails anecdotiques qui le font négliger des questions importantes. On saura tout sur la législation de la détention de drogue… et rien sur les visas. Bref, à lire pour information et à compléter impérativement sur des sites beaucoup plus complets et sérieux.

Et n’oubliez pas : méfiez-vous des ours !