J’ai tendance à me perdre dans mon propos comme le Petit Poucet dans la forêt. Mais je retrouve toujours mon chemin en suivant les miettes de mon inspiration.
Avant d’en arriver à des considérations (entre autres) vestimentaires, mon idée de départ était de parler de la diversité de endroits où dormir au Japon. Si le rapport au titre n’est pas évident, c’est parce qu’il n’y en a aucun : il ne sera pas question de Viagra, de Dany Boon ou de Peyo mais des “capsule hotels”.
Le principe des kapuseru hoteru (カプセルホテル) n’est pas bête.
Les Japonais sont nombreux (127 millions) pour un territoire réduit (380 000 km²), véritable peau de chagrin en fin de course si on ne tient compte que de la surface habitable réelle. La densité de population urbaine est proprement astronomique et on comprend la politesse proverbiale nippone, car sans elle, à tous se tasser les uns sur les autres, on en viendrait vite à se massacrer pour se ménager un peu de place et respirer.
Au propre comme au figuré, les places sont chères. Les prix de l’immobilier font la fortune des uns et sont la bête noires des autres. Autant il est complètement débile de construire des gratte-ciel dans un pays aussi vaste que les Etats-Unis, autant ici, on doit bien gagner en hauteur ce qu’on n’a pas au sol. Et d’aucuns de rivaliser d’ingéniosité pour gagner voire créer carrément de l’espace.
L’initiative des hôtels capsules remonte à 1979 et revient à Kurokawa Kisho qui ouvre le premier établissement d’inspiration hobbit à Osaka. Le principe n’est pas de dissoudre une capsule contenant un hôtel lyophilisé mais de réduire le concept de chambre au strict minimum. Et quand on connaît le don des Nippons pour la miniaturisation, le strict minimum est à prendre au pied de la lettre.
Concrètement, on attend quoi d’un hôtel : un pieu pour dormir (et éventuellement tirer un coup, mais les love hotels, c’est pour plus tard). A-t-on vraiment besoin d’une suite modèle château de Versailles juste pour pioncer quelques heures ? Une fois éliminé le superflu reste donc un lit dans une chambre de dimensions modestes voire lilliputiennes.
2 m de long pour 1 m de large pour 1,20 m de haut.
Un plumezingue, 4 cloisons en plastique.
Un palace…
Lors d’une de nos virées à Tokyo avec Yumi, j’ai voulu qu’on teste. Mon argument le plus convaincant a été : tu prends la pilule donc pour rétablir l’équilibre des sexes je veux ma capsule. Elle a dit oui, comme toujours. A mon avis, plus pour me faire plaisir que convaincue par ma rhétorique sans faille.
Expérience marrante s’il en est, car si je connaissais la théorie, j’ignorais pas mal de choses pratiques sur le sujet.
- La solution est économique. On s’en est tiré pour 4000 ¥ chacun, soit la moitié d’un hôtel “normal”.
- Quand on arrive, on se retrouve devant le croisement improbable d’une laverie et d’une morgue.
- Un claustrophobe sera mort de peur rien qu’en voyant la taille de la “chambre”. Les gothiques aimeront cette impression de dormir dans un cercueil.
- C’est très rustique. Un pieu, point barre. Installations sanitaires communes (sauf si vous savez prendre un bain dans un verre d’eau). Isolation phonique zéro… et j’étais cerné de ronfleurs. Mes yeux se sont levés tout aussi cernés au petit matin.
- Rustique… rustique à la japonaise quand même. Chaque chambre jivaro disposait d’un réveil (sympa la fanfare matinale…), d’une télé, d’un téléphone, de la radio, de l’air conditionné, tout ça encastré à droite à gauche dans les “murs” ou le “plafond”.
- Caton disait “vertu, tu n’es qu’un mot”. Ici, c’est le cas de l’intimité. On met son pyjama Mickey comme on se change au vestiaire : devant tout le monde, dans le couloir. Autant dire qu’avec mes tatouages sur la moitié du corps, je ne suis pas passé inaperçu. Moment qui a donné lieu à une scène cocasse quand un type derrière moi a fait une remarque à son voisin de chambre sur le “gaijin aux tatouages”, pensant que je ne comprenais pas ce qu’il disait. Sa tête valait le détour quand je lui ai répondu dans sa langue et non sans ironie que j’étais honoré qu’il remarque que j’avais “le Japon dans la peau”.
- Venir accompagné, c’est comme ramener une fille en prison. 99% des clients sont des hommes, ce que j’ignorais… En même temps, vous avez un peu l’impression d’être le maître du monde. Comme dit le proverbe, le pouvoir, c’est posséder un lance-flammes et le seul extincteur de la région. L’adage vaut pour LA femme dans un milieu essentiellement masculin.
- Tenir à deux dedans (par exemple pour une petite gâterie avant de dormir) relève de l’exploit. Je remercie mon entraînement faidherbard estudiantin (ou comment entasser 10 personnes dans une douche).
- Tenir à deux dedans (bis) demande beaucoup de discrétion ne serait-ce que pour rassembler les troupes dans l’habitacle. Et être discret quand il y a 20 personnes autour et que votre intimité tient à un rideau…
- La structure est plus solide qu’il n’y paraît et supporte le poids de deux personnes sans qu’on se demande chaque seconde si l’édifice ne va pas s’effondrer.
- Ceci étant, ne croyez pas pour autant qu’on peut s’y livrer à une gaudriole endiablée à moins d’avoir la souplesse d’Houdini, la taille de Tom Pouce ET la discrétion d’un ninja. De toute façon, déjà à 1, on se cogne de partout (surtout avec mon 1,84 m) alors à 2… C’est le genre de tentative qui, si vous n’aviez pas mal à la tête avant, permet de sortir l’excuse après pour éviter de remettre le couvert. On s’y est donc limitée aux joies simples de la vie : une pipe et au lit (et chacun dans le sien).
Bref, expérience inoubliable en bien comme en mal. Je n’ai pas fermé l’oeil de la nuit, j’ai le sommeil léger et le moindre bruit me réveille. Autant dire que je n’étais pas frais le lendemain… Mais avec le recul, c’était marrant. Et c’était à tenter et à tester, ne serait-ce qu’une fois, car typiquement japonais. Le concept n’a pas vraiment été exporté et les rarissimes tentatives hors Japon n’ont rien donné.