Le bal est ouvert ! Et tout rouge aussi. Car même au bout du monde, nul l’est à l’abri de cette sinistre farce sponsorisée par Coca-Cola ou l’inventeur du pin’s (les historiens hésitent).
Noël…
Chié…
Je croyais pourtant y couper mais non. Plus maudit que M, scoumouné jusqu’au trognon, tel est mon destin tragique. Non, je n’en rajoute pas. Je suis le type qui exagère le moins de l’univers, c’est prouvé.
Oui, vous allez me dire, Noël, c’est loin (pas assez à mon goût) et il reste encore deux bonnes semaines de répit. Tu parles, Charles ! Vous oubliez qu’il faut vendre. Parce que Noël, hein, on est bien loin aujourd’hui de la fête chrétienne. S’agit de fourguer le maximum de jouets, de boîtes de chocolats, de dindes, d’huîtres… Un max de tout, en fait. Tout le monde n’a pas fait vœu de pauvreté et certainement pas les commerçants. En même temps, on ne peut pas leur reprocher, c’est leur métier. De merde, mais leur métier tout de même.
J’ai jamais cru que Noël commémorait dans la joie et l’allégresse la venue d’un baba cool censé sauver les hommes. Au même titre que le Sida, le 11-septembre, les impôts ou les files de caisse qui n’avancent pas dans les supermarchés, Noël relève du châtiment divin.
“Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre. Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive.” Citation de Jésus himself qui donne un autre sens à “l’esprit de Noël”.
Le petit Jésus ravira les reliquats de la Chrétienté, j’entends celle qui croit et pratique vraiment, autant dire une minorité. Pour les autres, se rendre à la messe de Noël juste parce qu’“il faut y aller” (et surtout s’y montrer) en zappant les autres messes 52 dimanches par an, ça ne compte pas. La rupture de contrat d’Alliance avec Dieu vous vaudra les flammes de l’Enfer. Vous n’y allez que sous la pression des baïonnettes sociales, ne venez pas dire le contraire.
Pendant ce temps ceux qui passent “les fêtes” en solitaire dépriment ou se suicident. Réjouissant… Tous n’ont pas le goût de procéder d’une balle dans la tête alors que sang et cervelle, rouge et blanc, c’est la tendance du moment.
A l’inverse, la grande cohorte des gens qui se coltinent des réveillons en famille aimerait être ailleurs. N’importe où plutôt qu’à la même table que tel oncle qu’on estime être un parfait connard, tantine qui commence à perdre la boule, la cousine un peu limitée qui, au moindre trait d’esprit bien gras du beau-frère très beauf, pouffe… comme une pouf. Sauf que pas de bol, les liens du sang font que. Faudra donc se supporter la soirée du réveillon et le lendemain par-dessus le marché, avec le sourire, s’il vous plaît. Tout en endurant un marathon de bouffe dont on se dit chaque année qu’il y en a vraiment trop, que c’est aussi indécent qu’écœurant, que caser ces monceaux de victuailles sans dégueuler sera l’ultime exploit de l’année. Ce qui n’empêche pas de recommencer 12 mois plus tard, et ainsi de suite ad nauseam. Locution de circonstance. J’ai bien mangé, j’ai bien bu, j’ai la peau du ventre tellement tendue que mes boyaux vont exploser et mes intestins se répandre à travers la pièce comme autant de guirlandes…
Je pourrais gloser sur les sourires de circonstance à l’ouverture des cadeaux, tant d’Oscars se perdent. Garder le même air réjoui devant la 6e boîte de Ferrero est un talent. Le match d’impro de l’ouverture des colis piégés se travaille. On n’y vient pas en touriste : révision des fiches type RG sur chaque membre de la lignée, répétition de quelques répliques si possible à double sens, entraînement devant le miroir pour les expressions faciales… Noël et son hypocrisie se préparent comme n’importe quel concours pour entrer dans la diplomatie.
Alors oui, je pourrais gloser, mais ce n’est pas le genre de la maison d’ergoter méchamment, donc bouche cousue. Notez qu’au clavier, c’est pas la couture handicapante quand il s’agit de l’ouvrir.
Qui ça amuse franchement ? Les gosses, à la limite. Qui se feront ensuite reprocher par leurs parents du “prix que ça coûte”. Qui se plaindront que le Père Noël n’a pas du tout apporté ce qu’ils avaient demandé (moi, ça fait 15 ans que j’attends mon Famas et ma brouette de munitions). Qui couineront deux jours après, parce qu’ils ont pété leur joujou tout neuf. Dans leur esprit, Noël = cadeaux, leur fibre vénale parle. Elle braille même.
Si un jour j’ai des enfants, sous réserve que je ne les noie pas à la naissance dans la rivière Kamo comme de vulgaires chats, ils apprendront que tout ça c’est des conneries, dès lors qu’ils auront un peu plus d’un neurone opérationnel.
C’est un service que je me rends (pas à eux, je m’en fous, j’ai le degré zéro de la fibre paternelle). Quand je pense à ces parents indignes… Non, rassure-toi, le monstre dans le placard n’existe pas… Sois pas bête, ton ami invisible n’existe pas… Le Père Noël existe.
Ah ?…
Passons sur le fait qu’un gosse, c’est très con de ne pas remarquer la contradiction. Plus tard, vous lui apprendrez ou il découvrira que vous l’avez baratiné et que le Père Noël non plus n’existe pas. Là, vous perdez toute crédibilité en tant que parent. Allez lui expliquer que “mentir, c’est mal”, vous ne faites que ça depuis des années. Quant à employer la politique du chantage aux cadeaux “si tu n’es pas sage”, bel exemple de comportement à transmettre à sa progéniture. Bravo l’éducation !… Bon, la plupart des gamins s’en remettent, comme je disais, ils sont très cons.
J’aurais tendance à enseigner le contraire, partant du principe qu’il n’est jamais trop tôt pour apprendre. Et dans sa vie, le gnome auquel vous avez donné le jour risque de croiser davantage de croque-mitaines que de bons samaritains. Lui bourrer le mou ne lui rendra pas service le jour où il apprendra à ses dépens qu’on ne vit pas à Disneyland. Pas plus que lui avoir fait avaler ce concept aberrant de justice du ciel. Non, les sages ne sont pas récompensés. Non, les méchants ne sont pas privés de cadeaux. Ou si c’est le cas, ils les prennent eux-mêmes en écrasant les candides qui croient encore que la vie est juste.
De toute façon, Noël et les cadeaux, ils se brosseront, car comme l’a si joliment dit mon ami P. Godwin “vouloir faire plaisir à un enfant, c’est le premier pas vers la pédophilie”.
J’en viens (enfin) au sujet de l’article. Tout ce blabla pour dire que Noël, ses festivités et ses traditions m’emmerdent à un point qui défie l’entendement. Même au Japon je n’y couperai pas. Pas de bol.
Bon, ça pourrait être pire.
Dans un pays où les chrétiens se comptent sur les doigts d’une main (avec beaucoup de doigts, mais vous avez compris l’idée), le côté religieux crèche-petit-Jésus-Nativité-Sauveur-porte-glaive est absent. Ce qui ne change finalement pas grand-chose aux Noëls que j’ai vécus en France. N’en reste que l’aspect commercial et le folklore bas de gamme (sur lesquels je reviendrai en temps utile dans un autre article). Et là, ça y est, festivités et hostilités sont ouvertes, les magasins commencent depuis une paire de jours à faire péter la déco. Du rouge, du blanc, une touche de vert, des loupiotes clignotantes partout, un épileptique n’y survivrait pas. Je ne sais pas non plus comment les gens survivent aux chants de Noël qui passent en boucle ! Au bout de deux minutes de we wish you a merry Christmas, je sens monter des envies de génocide… La parade : je ne sors pas de chez moi. Pas d’yeux qui piquent ni d’oreilles qui saignent.
Les brebis galeuses de la famille ont le bon goût de se trouver à 10000 bornes de chez moi, exit la réunion familale. Je n’ai pas de cheminée donc pas de voie d’accès pour Santa Claus Barbie et si j’en avais eu une, je l’aurais “assaisonnée” (débris de verre encastrés sur la longueur du conduit, piège à loup dans le foyer…). A tout hasard, je farfouille dans les surplus en quête d’un missile sol-air.
Oui, ça pourrait être pire.
Et puis le Noël japonais se trouve parasité par d’autres fêtes bien plus importantes (anniversaire de l’Empereur le 23 et Jour de l’An vous savez quand). Le 25 décembre n’est même pas férié et je me réjouis de bosser plutôt que lutter contre digestion pénible et crise de foie.
Accessoirement, le 24 décembre est aussi une fête des amoureux, une saint-Valentin en différé. Les jeunes ont donc d’autres chattes à fouetter, même si eux aussi rêvent de “passer par la cheminée”.
C’est ainsi qu’on en arrive aux genres d’aberration qui figure en tête d’article. A la croisée des chemins entre l’anniversaire (traditionnellement le gâteau est un fraisier), Noël et les âneries valentines. Cœur, houx, fraises, slogan débile, rien ne manque à l’appel et aucun gâteau ne pourrait être davantage chargé de symboles (et de bibusseries décoratives). Ce dessert est à la pâtisserie ce que la chimère est au règne animal.
En pratique et comme pour Halloween, Noël est surtout l’occasion de sortir un décorum de foire “pour faire comme les gaijin”. C’est donc parti pour un mois à endurer du rouge et blanc à toutes les sauces. Remarquez, il s’agit de couleurs qu’on voit souvent ici, ça ne change pas des masses.
La belle-famille s’étonne de mon peu d’empressement à fêter l’événement. S’ils avaient passé un réveillon dans ma famille, ils comprendraient. Combien de fois j’ai vu la table devenir zone de guérilla ?… Question rhétorique (ceux qui ont répondu “chaque fois” ont gagné toute mon estime, cent balles et un Mars). Finalement, le meilleur moyen d’avoir la paix consiste à se pointer avec une pelle. Y en aura forcément un pour demander : “mais pourquoi une pelle ?” Là, vous répondez que l’outil permet un double usage. 1) Le premier qui plombe l’ambiance en ressortant une histoire familiale vieille de 15 ans mais toujours pas digérée, verra arriver ladite pelle droit dans sa gueule. 2) Après faut bien se débarrasser du corps et creuser un sol gelé à la main, hein, on a vu mieux niveau sens pratique.
Comme mes futurs beaux-parents ne fêtent pas eux-mêmes Noël, étant “trop vieux pour ces conneries” de joufflu rougeaud, ma foi, personne ne sera privé de l’absence de festivités. Yumiko, gourmande de ma pâtisserie (ne cherchez pas de métaphore sexuelle dans cette phrase), s’est quand même engagée à ce que je concocte une bûche pour marquer le coup, ainsi que ma célèbre galette des rois pour l’Epiphanie le mois prochain. On a une notion assez bizarre du volontariat ici… J’ai donc deux semaines pour “bûcher” la recette (ah, ah !) de la ブッシュ・ド・ノエル (transcription littérale du français). Yumi, qui me connaît décidément très (trop) bien, a mis un ola préventif sur les élucubrations décoratives. Le fait est qu’une bûche en forme de cercueil orné d’un gisant à l’effigie d’un Père Noël abattu par la DCA, c’est peut-être un peu ambitieux pour une première.