Cet article fait suite au précédent (Ubi bene ibi patria) qui n’en est qu’une (longue) introduction.
Au détour d’une rue de Kyoto, je suis tombé sur une étudiante française… qui m’a tenu le crachoir un certain temps, voire un temps certain, en se croyant obligée de me raconter sa vie. Je devais être fatigué, je ne l’ai pas envoyé paître tout de suite.
Elle est quand même repartie en pleurs, j’ai une réputation de génie du Mal à défendre.
De son baratin, j’ai retenu qu’elle était française, suivi des études au Japon depuis plusieurs années et qu’elle avait vécu à Tokyo, Nagoya et Osaka. Beau palmarès, faut reconnaître, je suis bon prince (mais “l’Empereur ne sera pas aussi indulgent que moi”).
Sauf que ses études dans un domaine de la finance dont le détail m’échappe sont en anglais… les conversations avec ses voisins de résidence universitaire (également étrangers) sont en anglais (je pensais pourtant qu’ils avaient aussi le japonais comme langue commune)… et plus graves, l’essentiel de ses conversations avec les étudiants japonais est en anglais. Pourquoi ne pas s’être inscrite à Yale ou Harvard ?…
La phrase qu’elle emploie le plus ? “I don’t speak japanese.” Ça m’a laissé pantois… Suit-elle des cours de japonais ? Non… C’est vrai que ce serait dommage de prendre le risque de pouvoir communiquer avec les indigènes.
Merde, quoi !
C’est une lapalissade de dire que le japonais est une langue difficile qui ne s’apprend pas en un jour. Mais quand même… 5 ans sur place et elle n’est pas foutue de tenir un semblant de conversation à part “bonjour, il pleut” !
Et y en a plein des comme elles. Sont là. Parlent pas la langue. Connaissent rien à la culture. Disent aimer le Japon, mais je me demande bien sur quelles bases. Des années après, sont toujours au même point.
Comme dit dans un autre billet d’humeur, la moindre des choses quand on n’est pas chez soi, c’est de respecter le pays hôte. On s’adapte aux natifs, pas l’inverse. On parle aux gens du cru dans leur langue, pas une autre. Quand on a l’excuse du nouvel arrivant, ok. Mais après des années, c’est du foutage de gueule pur et simple. Après ça, tu m’étonnes que beaucoup de Japonais considèrent les gaijin comme des connards…
Et sur un plan purement égocentrique pour ceux qui n’ont rien à carrer de la notion de respect, ça facilite vachement la vie pratique. Acheter de la bouffe en se fiant uniquement aux images parce qu’on ne sait pas lire l’étiquette peut réserver quelques surprises…
J’ai donné à la demoiselle le fond de ma pensée. D’abord en français, puis comme ça m’a gavé, j’ai continué en japonais – moitié pour entrer dans la logique de mon propos, moitié pour l’exotisme de certaines insultes. Comme elle n’entravait pas le quart de mon discours, Yumi traduisait en VF à la volée.
Ce qui a d’ailleurs failli me faire perdre mon sérieux en pensant à la logique ubuesque de la situation. Un Français parlant japonais pendant que sa copine japonaise parlait français.
Evidemment, niveau discrétion, zéro pointé. Ce qui m’a encore plus énervé, puisqu’ici le maître mot est d’éviter de faire des vagues (logique pour le pays des tsunamis).
Bilan des courses, la petite étudiante est repartie en pleurant.
Derrière moi, quelqu’un a applaudi.