Aux armes, citoyens

Si vous avez suivi l’actualité de ces 60 dernières années, vous n’êtes pas sans savoir que la diplomatie locale ne s’ennuie jamais. Périodiquement, au gré de déclarations enflammées ou de visites de pontes ministériels ou présidentiels, la situation se tend encore un peu plus, tel un string deux tailles trop petit.

Comme on n’en est pas encore à s’envoyer des bombes sur le coin de la coloquinte, je vis plutôt sereinement le fait que le Japon soit en bisbille avec des voisins qui sont loin d’être des nains au plan militaire. Corée, Chine Russie, c’est pas des rigolos…
Même si la comparaison a ses limites, je vois désormais d’un œil différent mon cours sur l’Alsace-Lorraine et ses enjeux. Pour l’élève français, déjà du temps où j’usais mes fonds de culotte sur les bancs de l’école, la notion de conflit territorial est éthérée. Ici, elle est d’actualité.

  • Senkaku (尖閣諸島)
    Les Japonais les appellent Senkaku, les Chinois Diàoyútái Qúndǎo (abrégé en Diaoyutai). 5 îles et 3 rochers d’une superficie totale de 7 km², situés entre Taiwan et Okinawa, administrés par les Japonais et revendiqués par les deux Chine (Taiwan et République Populaire).
    On ne compte plus les incidents mettant en scène navires de pêcheurs et/ou bâtiments militaires.
    L’archipel présente un intérêt stratégique notamment pour la marine chinoise, mais comme le Japon s’inquiète de la puissance militaire de la Chine, pas question de lâcher le morceau. Surtout, qui dit îles dit eau (scoop !) et qui dit eau dit poissons (scoop toujours !) : le contrôle des Senkaku va de pair avec l’exploitation d’une riche zone de pêche. Enfin, ce feuilleton diplomatique s’assortit d’un versant à la Dallas suscité par la présence d’hydrocarbures (gaz et pétrole).
    Elles constituent la grosse pomme de discorde du moment, le gouvernement japonais ayant annoncé la semaine dernière le rachat de ces confettis à leur propriétaire privé pour les nationaliser. Pas judicieux dans le choix du calendrier pour une telle annonce à quelques jours de la commémoration de l’incident de Mukden (18 septembre 1931) qui a provoqué l’Anschluss local à savoir l’invasion de la Mandchourie.
    Je n’épilogue pas sur l’actualité immédiate de ces derniers jours (heures ?), il se passe un truc toutes les 10 minutes (déclarations de politiques, manifestations anti-japonaises en Chine, exercices de la marine chinoise en Mer de Chine…). Cf. vos sites d’infos préférés.
  • Okinotori (沖ノ鳥島)
    Sans faire l’objet de revendications territoriales, cet atoll japonais en pleine mer des Philippines pose problème quant à sa définition. La Chine y voit “que” des rochers (stratégiquement intéressants cela dit) quand le Japon y voit des îles (donc une ZEE pour l’exploitation des ressources halieutiques et minérales).
  • Chishima (千島列島)
    Plus connues sous le nom d’îles Kouriles. Au Japon, on parle de 北方領土問題 pour désigner le problème territorial à leur sujet (北方領土, territoires du Nord).
    Entièrement japonaises à partir de 1875, les Kouriles sont conquises par l’Union Soviétique en 1945, puis purement et simplement annexées à l’instar de certains territoires européens. Heureusement que les Russes étaient dans le camp des gentils défenseurs de la liberté…
    Dire que le Japon a un contentieux avec la Russie sur les Kouriles est vrai du point de vue russe, pas nippon. En effet, si le Japon a abandonné toute prétention sur les Kouriles, il revendique les Minami-chishima (南千島), 4 îles méridionales (Etorofu, Kunashiri, Chikotan, Habomai) considérées comme faisant partie d’Hokkaidō et non des Kouriles.
    Outre les zones de pêche, les Russes n’ont aucune intention d’abandonner des îles qui leur ouvrent sur le Pacifique un accès stratégique qui a le bon goût de ne pas geler en hiver.
    Elles ont fait parler d’elles récemment suite à la visite du Premier Ministre russe Medvedev le 3 juillet 2012.
  • Takeshima (竹島)
    Ou Dokdo en coréen ou rochers Liancourt dans la plupart des autres langues. Perdus entre le Japon et la Corée, deux îlots inhospitaliers assortis d’une poignée de rochers. Administrés par la Corée du Sud mais revendiqués par le Japon sur la base d’un flou volontaire dans certains traités. Les Américains, plutôt que régler les questions qui fâchent, les ont simplement omises pour que personne ne se fâche, on voit le résultat.
    Ces cailloux ont refait parler d’eux récemment aussi. Le président sud-coréen Lee Myung-Bak s’y est rendu le 10 août 2012, “excellent” choix de calendrier aussi pour calmer les tensions, la capitulation du Japon étant commémorée le 15…
En bleu, la mer. En rouge, les points litigieux.

Evidemment, aucun Etat n’est prêt à céder pour des raisons de souveraineté nationale et d’enjeux politiques, économiques et/ou stratégiques. Les visites protocolaires de telle ou telle huile gouvernementale et les choix dans les dates (contrepèterie inside) tendraient même à montrer que personne ne fait le moindre effort pour éviter d’en rajouter sur le feu, de l’huile.
Là-dessus s’ajoute la question du programme nucléaire nord-coréen qui n’aide pas à la détente dans la région. Confer notamment en avril 2012 lors du lancement d’une fusée nord-coréenne. Si l’histoire s’est achevée en gros pétard mouillé qui a fait plouf sous les quolibets des voisins, sur le moment, personne n’avait l’esprit à la rigolade.

En tout cas, le Japon a bien fait de sortir ses fiches de révision comme ici dans la préfecture de Shizuoka (静岡県) en juillet dernier. (Photos récupérées sur un site nippon vu que je n’ai pas été convié aux festivités.)

Ceci n’est pas un remake de l’Agence Tous Risques.
Celui qui se penche à l’avant va finir par se viander.
Le Panzer local.
Pan !
Fumer tue. Les missiles aussi.

On n’en pas encore à chanter de le remake du générique de San Ku Kaï (mais si, vous savez, “Senkaku, Senkaku, c’est la bataille”).
Quoi qu’il en soit et quelque tournure que prennent les événements, je n’ai de toute façon aucune intention de rapatrier mon digne séant, trop occupé à revisionner Invasion USA et à prendre auprès de Chuck Norris deux ou trois leçons pour repousser les hordes communistes.
Accessoirement, pour mes amis qui me lisent et s’inquiètent de ma petite santé, je ne suis pas mobilisable, car toujours ressortissant français, et comme tel interdit de servir comme mercenaire par la législation hexagonale. Peu de risques que je tombe au champ d’honneur, donc (snif). J’affûterai quand même mon katana, juste au cas où…
A tout hasard, je passerai jeter un œil au consulat voir si mes “courageux” compatriotes planifient déjà leur fuite au cas où ça chaufferait, comme il y a un an et demi après Fukushima. Poltrons…

Terre cuite vs. Playmobil