Tunnel of love

Spécificité japonaise ? Mon cul !

Navré pour ceux que je choquerai avec les détails scabreux. (Façon de parler, je ne vois pas de quoi je devrais être désolé.) Pour les exposés généralistes et bon teint, vous avez Wikipedia. Ici, vous aura droit à la version complète et en plus, c’est du vrai cul vécu !

Un petit coup vite fait en guise d’introduction

On considère les love hotels comme une spécialité nippone aussi typique que les sushis. Mouaip. J’aurais tendance à supposer pour ma part que l’invention de l’hôtel de passe n’a suivi que de quelques heures celle du presque plus vieux métier du monde (après chasseur, pêcheur, cueilleur). Et puis en-dehors des établissements spécialisés, qui n’a jamais recyclé une chambre d’hôtel “normal” pour se livrer à une copulation occasionnelle faute d’avoir son propre pieu ou une banquette arrière sous la main ? Enfin que dire de certains lieux de joviale perdition qui proposent à leurs clients du cul, un lit, un décor et une batterie d’accessoires à faire frémir un tenancier de sex-shop ? Du club échangiste au gîte rural, on peut trouver son bonheur sans se taper 8000 bornes jusqu’au Japon. (Je pense notamment à la célébrissime Fistinière qui vous accueillera à bras ouverts et poings fermés.)
Bref, je rigole doucement d’une “exception cul-turelle” battue en brèche par ce que j’ai pu voir ou tester d’Anvers à Las Vegas, de Londres à Tokyo… Les voyages forment la jeunesse et déforment les orifices de certaines autochtones… Bref, donc.

Cependant il faut bien reconnaître que l’idée n’est pas complètement fausse. Les Japonais ont effectivement une façon bien à eux de concevoir la chose. Il y a bien une spécificité japonaise dans le domaine. Ne serait-ce aussi que parce qu’ici ces hôtels ont pignon sur rue là où l’Occident miserait plutôt sur la discrétion associée à la honte (?) d’aller aux putes. Un comble quand on sait à quel point la notion de honte imprègne nombre de codes et comportements nippons…

Love hotels, was ist das ?

Je laisse maintenant de côté le reste du monde pour ne plus me concentrer que sur le Japon. A chacun de comparer avec ses propres expériences à travers les boules le globe.
Ce qui suit provient moitié de constatations lors d’une virée en amoureux (sic) avec Yumi, moitié de recherches sur le sujet. Les photos sont glanées sur le Net, puisque je ne partais pas en reportage et que le seul appareil dont je disposais est celui que Dame Nature m’a attribué.

Les love hotels (ラブホテル, rabu hoteru) sont, comme leur nom l’indique clairement, des établissements hôteliers dédiés aux choses de l’amour. On trouve également d’autres appellations à base de passion, romance, détente, fashion… Le sens de l’euphémisme nippon étant ce qu’il est, on parle de sexe, pas d’un tête-à-tête romantique cul-cul la praline dans une gentillette auberge.
On pense tout de suite hôtel de passe et bouge sordide. Oui et non.
Le Japonais, ce doux rêveur qui peut passer des plombes à regarder pousser une fleur de cerisier pendant hanami, est d’abord un grand pragmatique. Par exemple, dans ce si petit pays aux si nombreux habitants, où il n’est pas rare de voir cohabiter plusieurs générations sous le même toit, et où l’isolation phonique est au propre comme au figuré celle du papier à cigarette, se ménager un Lebensraum personnel n’est pas toujours chose facile. Les love hotels répondent en partie à ce besoin d’intimité pour tirer sa crampe sans déranger la maisonnée (cas des jeunes couples pas installés dans leur propre chez eux) ou risquer de voir débarquer qui des parents furieux (cas des étudiants par exemple) qui un(e) conjoint(e) furibard (cas des couples adultérins).
Autre côté pratique classique de tous les hôtels du monde, y ramener votre conquête d’un soir ou une pute ramassée sur le trottoir ou dans tout autre lieu destiné à “pécho de la meuf”.
En résumé, c’est un baisodrome avant d’être un hôtel. Le lit sert d’abord à la gaudriole, y dormir n’est qu’un bonus facultatif.

Historiquement, on en trouve trace aux premières heures de la période Edo au XVIIe s. A l’époque certaines auberges et maisons de thé proposaient des services “annexes” impliquant des prostituées (et parfois mêmes des corridors secrets et des passages sous tes reins souterrains). Dans le cas des amours contrariées ou illégitimes, elles servaient également de lieu de rendez-vous pour les Roméo et Juliette locaux.
Après la Seconde Guerre mondiale, le secteur se développe en premier lieu pour fournir un terrain de jeu aux couples légitimes disposant de peu d’intimité chez eux… ainsi que pour “occuper les forces d’occupation”, grosses consommatrices de putes (ah, le puritanisme américain de façade…).
L’idée est d’abord de fournir une piaule “normale” à moindres frais pour des joutes gymniques, mais les Japonais en viennent assez vite à lui donner cette tournure extravagante qui est leur marque de fabrique (et à laquelle on ne peut qu’adhérer, en toute objectivité, bien sûr).

Modalités pratiques

Trouver un love hotel n’est pas compliqué pour deux raisons.
1) Ils sont nombreux. J’ai trouvé des chiffres très variables et vaguement indicatifs, car il y a pléthore d’hôtels non répertoriés comme tel mais qui le sont en pratique. Un peu comme les cerisiers, on en trouve toujours un près de chez soi. Grand fan de l’historien Alain Corbin (Les Filles de Noce), j’enfoncerai une porte ouverte à sa suite en disant que ces établissements fleurissent notamment à proximité des gares (idem à Lille, où dans le voisinage des deux gares, on trouve hôtels – dont le désormais fameux Carlton –, prostituées et sex-shops à ne plus savoir où donner de la bite tête). A Tokyo, on en trouve pas mal dans le quartier du Kabukicho (arrondissement de Shinjuku), quartier chaud s’il en est.
2) Ils sont généralement repérables avec leurs devantures et enseignes flashy, quand ce n’est pas toute l’architecture qui est délirante (château, vaisseau spatial…). Ce n’est pas une loi absolue, certains établissements misent au contraire sur une devanture anodine au possible et garante de discrétion.
3) Oui, je sais, j’avais dit deux raisons. Mais entre trouver UN love hotel et LE love hotel, il y a une marge, car vous ne trouverez pas forcément votre bonheur du premier coup (sic). Si vous traînez dans un secteur où ils abondent, n’hésitez pas à en visiter plusieurs. En cherchant, vous trouverez toujours. Si vous pensez avoir des fantasmes tordus, attendez de voir ce qui vous attend. (Par “tordu”, j’entends farfelu, pervers, hors norme, moralement réprouvé, mais légal hein quand même.)

Architecture sobre... et sans fenêtres.
Dans ce château, on peut délivrer la princesse en détresse ET lui péter la rondelle.
Cette façade peut également servir d'arme du crime pour se débarrasser d'un épileptique.

Il va de soi, vu la philosophie des lieux, que vous aurez du mal à y entrer seul, la veuve poignet n’étant pas considérée comme une partenaire à part entière (et ça reviendrait cher la pignolade). La règle évidente est donc le lit double, les lits simples ou jumeaux étant hors sujet. Moyennant un supplément, il est possible dans certains hôtels d’avoir une chambre pour trois si vous êtes adeptes des plans larges. Ceci dit, vous pouvez tout aussi bien vous faire jeter si vous arrivez en trio, idem dans le cas des couples homosexuels (surtout si vous ête homosexuel même, le Japon n’étant pas vraiment un modèle dans ce domaine).

Parmi les détails pratiques :

  • Le peu de personnel que vous serez amené à croiser (entre 0 et 1 laquais que vous entrapercevrez vaguement derrière un judas) n’est pas nécessairement anglophone loin de là et encore moins francophone. Logique dans l’esprit de fournir un service à des couples japonais en premier lieu.
  • Le choix de la chambre se fait via écran tactile grâce au langage universel et infantile des images.
  • Certains établissements rivalisent d’ingéniosité pour assurer un maximum de discrétion à leur clientèle : porte d’entrée qui n’a l’air de rien, façade aveugle (un comble pour des hôtels borgnes), murets stratégiquement placés dans le parking pour camoufler les voitures ou leurs plaques d’immatriculation.
  • Intéressant si vous êtes résident à long terme ou permanent, beaucoup proposent un système de points de fidélité (sic).
Choisir sa chambre, simple comme un coup de pine, de fil, pardon.

Deux menus sont proposés, éventuellement trois. Les deux formules habituelles sont le stay (ou 宿泊, shukuhaku) à partir de 22 h et le rest (ou 休憩, kyūkei). Le rest couvre une période de quelques heures (1 à 3), le stay c’est quand on y passe la nuit. Certains hôtels proposent également des tarifs pour une plage de 30 mn si vous avez un planning serré comme un cul de pucelle.
Les tarifs varient selon le standing, les commodités, le confort, les piaules, la richesse du catalogue “les 3 Sucent”, etc. Quelques centaines de yens pour 30 minutes ; 3-7000 ¥ en rest ; 7-15000 ¥ en stay ; jusqu’à 20000 ¥ pour les établissements lourdement armés.
Ami(e)s touristes, vous auriez tort de passer à côté de cet hébergement original. A noter que selon les tarifs, un love hotel peut revenir meilleur marché qu’un hôtel classique.
En raison des commodités pratiques de discrétion et de budget, on y croise donc toutes sortes de gens et ce n’est pas juste un nid de vieux pervers en imper.

Les bonus

Bon, jusqu’ici, à part une architecture tape à l’œil et des découpages horaires qui en disent long, rien de bien de nouveau sous le soleil (levant).

Ces lieux d’heureuse perdition proposent les commodités classiques d’un hôtel, plus ou moins nombreuses selon l’opulence des lieux. En général, le niveau de confort y est élevé, plus que le niveau moyen des appartements individuels en tout cas. En bonus, des chambres à thème avec décors et accessoires, ainsi qu’un catalogue d’artillerie lourde à disposition (tenues et autres joujoux).
Le véritable intérêt du lieu est là ! A côté de la piaule purement pratique pour une copulation standard, c’est aussi l’endroit où l’on peut s’offrir avec sa dulcinée un voyage au pays des fantasmes. Comme une virée dans un Disneyland pour adultes où Minnie n’aurait pas de culotte.

Il va de soi que je voulais tester la chose avec Yumiko. Ma femme est une salope, je n’ai pas eu de mal à la convaincre. (Salope est ici à prendre au sens affectueux de “grosse cochonne nymphomane” qui s’accorde parfaitement avec le gros vicelard porté sur la cuisse que je suis. Sur ce plan, je suis une sacrée salope aussi, mâle en l’occurrence.) Pour l’occasion, on a choisi un établissement haut de gamme à 18000 ¥ la nuit (environ 180 €). Il va de soi aussi qu’après ce premier essai, d’autres suivront (ben oui, ça revient quand même moins cher que transformer et équiper notre home sweet home en manoir de la gaudriole selon l’envie du moment).

Tout l’intérêt vient des chambres à thèmes ou des services/accessoires proposés (encore que sur ce dernier point, Yumi ne manque de rien…). On y trouve tout et n’importe quoi, il y en a pour tous les goûts, toutes les pratiques et tous les délires ! Un seul mot d’ordre : quoi que vous ayez en tête, du plus classique au plus débridé, vous le trouverez quelque part.

  • Commodités classiques ou de luxe :
    Plumard XXL, écran plat, DVD, chaînes pornos, karaoké, frigo, micro-ondes, sauna, table de massage ; certains établissements proposent en plus à la location ordi portable, console de jeu ou encore caméra pour garder un petit souvenir filmé.
  • Le truc qui tue pour les tripoteurs de boutons autres que clitoridiens : la télécommande aux 12000 boutons (clim, télé, radio, éclairage, etc.).
    Il existe à Tokyo une station qui diffuse – accrochez-vous – les bip-bip, carillons et annonces des différentes gares : le bruit de fond rêvé pour servir d’alibi si votre légitime vous téléphone alors que vous êtes en galante compagnie.
  • Aménagements particuliers :
    Lit rond, tournant et/ou vibrant (les lits “rodéo” ont disparu suite à de malencontreux accidents), miroir au plafond (un classique), baignoire transparente (avec option bain bouillonnant pour péter en douce), jeux de lumière avec différentes ambiances, accessoires en fonction du thème de la chambre. Les capotes vous attendent sagement sur l’oreiller.
  • Aménagement vraiment particulier : la boîte à malices…
    En l’occurrence, un distributeur dont chaque compartiment renferme un sex-toy avec lequel vous pourrez faire mumuse moyennant finance. Comme nous avions choisi une chambre à thème vaisseau spatial, je vous laisse m’imaginer à poil brandissant un gode lumineux en guise de sabre-laser et clamant : “tssschhhhh… Yumi, je suis ton père !… tssschhhhh…”
    (Quiconque connaît mon amour de Star Wars – première trilogie –, Albator, Goldorak et Alienaura corrigé “nous avions choisi” au singulier.)

    Vibro Kitty : les joujoux du Père Noël pour enfants pas sages.
  • Thèmes :
    Il y a deux écoles : les chambres aménagées à l’occidentale ou à la japonaise ; les décos délirantes.
    Pour explorer la seconde catégorie, une vie ne suffirait malheureusement pas : commissariat, cabinet de gynéco, hôpital, salle de classe, Hello Kitty, donjon SM, métro, vaisseau spatial, hero(t)ic fantasy, Versailles kitsch, Disney, ambiance marine, manoir gothique, Noël…

    Chambre à thème Hello Kitty... avec menottes.
    Prononcé de travers, Hello Kitty devient Ero Kitty (ero / エロ étant l'abréviation pour érotique)
    Pour amateurs de belles croupes à monter.

    Une banquette arrière qui sort de l'ordinaire.
  • Accessoires :
    Le room service se fait sur catalogue, certes illustré mais le plus souvent en japonais. Je vais me répéter, mais maîtriser la langue est un atout et pas seulement pour le cunni, sans quoi vous vous fermez pas mal de portes.
    Room service classique pour recharger les batteries, vous pouvez commander à manger. Tarif et qualité dépendent des établissement. Notre hôtel était associé à un restaurateur voisin, on a donc pu déguster quelques sushi entre deux moules (fallait que je la place quelque part).
    Outre la bouffe, on peut y commander tout ce que le Père Noël n’a pas voulu nous apporter. Par curiosité scientifique (hum…), j’ai épeluché le catalogue : huile de massage, lubrifiant, sex-toys en tous genres (des fois que ceux de la piaule ne suffirait pas) et, péché mignon de Yumi, un tas de tenues pour amateurs/trices de déguisements sexy. Parmi ces dernières, pas mal m’ont rappelé la maison, Yumi possédant une armoire passablement fournie dans ce domaine (je ne sais combien de fringues en cuir, latex ou vinyle et selon les soirées, je peux me taper Catwoman, une schoolgirl, une ponygirl, une nonne, une infirmière, une soubrette, une fliquette ou Sailor Moule Moon sans bouger de chez moi). L’avantage d’un tel catalogue est de la dispenser de se trimballer avec une valise supplémentaire et ça m’arrange, vu que c’est moi qui la porterais. L’exhaustivité du catalogue donnait carrément le tournis, voire des sueurs froides, allant de la classique secrétaire aux cosplays les plus improbables comme… Pikachu !?! Yumi a terminé en princesse Leïa, moi en moi vu qu’il n’y avait pas d’armure de Dark Vador (j’ai un don pour les costumes pratiques).

Bilan

Ben on va remettre ça, forcément…
Décidément, j’adore ce pays !

(Post dédié à Jo en hommage à ses virées anversoises.)