Le dormeur doit se réveiller

Où dormir au Japon ?
(Intro concise pour une fois.)

Visiter le Japon, c’est bien, très bien même. Mais même gavé de caféine, d’amphétamines et d’adrénaline, il faut bien se poser quelque part de temps en temps pour récupérer.
Si vous vous promenez avec les amphétamines précédemment cités, vous pourrez éventuellement dormir en prison, solution certes originale et économique, mais restrictive au plan touristique. Autrement, quelles sont les solutions conventionnelles ?

Note à benêt Nota bene : Ce qui suit est issu du croisement entre ma propre expérience (qui ne couvre pas tout), celle de Yumi et celle de mon pote Pierrot, assorti de diverses recherches qui vont un peu plus loin que du copier/coller de Wikipedia – du moins, je l’espère.
Je donne les tarifs en yens, faciles à convertir en euros (grosso modo, on divise par 100).

Où pioncer quand l’astre diurne se couche au pays du Soleil Levant ?

Dans mon futon
Cette option ne vaut que si vous êtes Yumiko ou moi.

Dans ma chambre d’ami
Càd mon bureau reconverti. Si je vous invite – formule notablement différente de “si vous tentez de vous incruster chez moi” (auquel cas pour les ecchymoses et les tombereaux d’injures, c’est la maison qui régale).

Hôtel à l’occidentale, version de luxe
Si vous avez des goûts de luxe, n’importe quelle grande ville vous accueillera à bras et portefeuille ouverts. Tout le confort moderne : piscine, resto gastronomique japonais et occidental, baignoire pour fumer votre cigare, clim, télé, magasins, jaccuzi, interprète, personnel anglophone. Les standards de qualité et de service sont très élevés.
Hors de prix, comptez 15-30000 ¥ la nuit pour une chambre simple, et 25-50000 pour une chambre double. La facture peut évidemment grimper bien plus haut si vous envisagez une suite de star de cinéma. Au moment de réserver, faire gaffe au détail des tarifs, le service pouvant être facturé en plus à hauteur de 10%. Idem la taxe de séjour de 5%. Le genre d’agréable surprise qui a le don de plomber un budget de vacances…

Hôtel à l’occidentale, version affaires
Les business hotels sont dans le même style que précédemment mais plus nombreux et moins chers. Tarifs dans une fourchette de 5 à 10000 ¥ la nuit. Attention, le concept est prévu à la base pour des hommes d’affaires, pas des couples de touristes en goguette. La chambre simple y est donc la formule la plus courante, loin devant les lits doubles et lits jumeaux.

Hôtel à la japonaise
Le style occidental n’ayant heureusement pas le monopole de l’hôtellerie, il existe quantité d’hôtels de style japonais, à tous les prix et degrés de confort possibles et imaginables.
Pour un hôtel classé “bon marché”, il faut compter environ 3-5000 ¥ par nuit en chambre simple et 6-8000 ¥ pour une chambre double.

Hôtel capsule
Cf. ici où je parle des kapuseru hoteru (カプセルホテル). Relativement spartiate, assez bruyant, mais économique. Pratique pour dépanner mais ce n’est pas vraiment prévu pour y séjourner. Une expérience à tenter quand même une fois pour l’exotisme. Il faut compter 3500-5000 ¥ la nuit pour une chambre jivaro simple ; les chambres doubles n’existent pas. A noter que certains proposent d’y faire des siestes en journée si vous avez un coup de barre.

Love hotels
Un article complet est prévu prochainement sur le sujet. J’ai testé, ce serait dommage de ne pas faire profiter le monde entier de cette expérience délirante. (Edit : c’est ici.)
Les rabu hoteru (ラブホテル) proposent deux menus au nom très euphémique : une version courte (stay) de quelques heures pour tirer un coup et une version longue (rest) couvrant la nuit entière pour en tirer plusieurs (et éventuellement dormir). Je sais, dans le genre description fine et délicate, on a vu mieux, mais avec un nom pareil, faut avouer que le concept n’est pas prévu pour faire dans la dentelle.
Ces lieux d’heureuse perdition proposent les commodités classiques d’un hôtel, plus ou moins nombreuses selon l’opulence des lieux. En bonus, des chambres à thème avec décors et accessoires, un catalogue d’artillerie lourde à disposition (tenues et autres joujoux), un distributeur de godes (!!!).
Les tarifs varient selon le standing (sic), les piaules, la richesse du catalogue “les 3 Sucent”, etc. Quelques centaines de yens pour 30 minutes ; 3-7000 ¥ en rest ; 7-15000 ¥ en stay ; jusqu’à 20000 ¥ pour les établissements lourdement armés.

Ryokan, auberge
Cf. ici le détail des ryokan (旅館) ou auberges. Solution onéreuse mais qui vaut son prix, idéale pour l’ambiance traditionnelle, que ce soit l’atmosphère feutrée des lieux, l’architecture ou l’aménagement (futon, tatami, cloisons de papier, bain…).
Je résumé les particularités de mon topo si vous avez la flemme d’en lire la totalité.
Si vous êtes tatoué, renseignez-vous avant, vos gribouillis peuvent poser problème pour le bain. (Boutade inside, des chevilles aux épaules, je suis moi-même l’album de coloriage préféré des tatoueurs.)
Si vous êtes du genre sans-gêne, oubliez cette formule d’hébergement, on n’est pas chez mémé et il y a un règlement à suivre, qu’on peut voir comme une contrainte ou une immersion dans les petites habitudes nippones.
Les tarifs sont très variables, allant du simple au triple (10 à 30000 ¥). La fourchette moyenne est de l’ordre de 12-20000 ¥ par personne et par nuit, incluant petit-déjeuner et dîner. Attention, les chiffres “bruts” et ne comprennent ni le service ni les taxes. Attention (bis), tous ne prennent pas les cartes de crédit et il vaut mieux prévoir des espèces.

Minshuku, chambre d’hôte
Le minshuku (民宿) n’est pas une arme cousine du nunchaku mais une chambre d’hôte. A bien des égards, ce que jai dit sur le ryokan s’y applique. Notamment que vous êtes à la fois client et invité, c’est-à-dire qu’on vous propose un service qui ne rend pas pour autant les maîtres de maison esclaves de vos moindres désirs. Les propiétaires logent dans le même bâtiment que les clients, vous êtes donc chez eux, ce qui implique de se conformer aux usages en vigueur dans la maisonnée. Les touristes ayant tendance à se comporter à l’étranger comme en pays conquis, un avertissement n’est jamais de trop.
Cette formule a l’avantage sur le ryokan d’être moins onéreuse. Le luxe y est un poil moindre (par exemple, ô drame, vous repliez vous-même votre futon, ce n’est pas une servante qui s’en charge) et l’ambiance plus familiale. Logeant directement chez l’habitant, c’est une façon sympa d’avoir un contact direct avec des Japonais et leur mode de vie. J’ai testé et j’en garde un excellent souvenir.
La fourchette (ou l’écart entre les baguettes) va de 6 à 10000 ¥, avec une moyenne autour de 7000, incluant la demi-pension (voire pension complète dans les coins paumés où trouver de la bouffe renvoie aux premiers temps de l’humanité).

Manshon, pension
Les manshon (マンション) sont des pensions touristiques dans le style des minshuku et ryokan, plus confortables que les premiers, moins chers que les seconds, avec un règlement plus léger que les deux.
Les tarifs sont compris entre 8 et 11000 ¥.

Auberge de jeunesse
Les auberges de jeunesse n’étant pas spécifiques au Japon, je ne vais pas épiloguer sur le sujet. On en compte entre 300 et 400 au Japon qui ne sont pas très différentes de ce qui se fait en Occident. Certaines sont libres d’accès, d’autres demandent d’être inscrit à la Fédération des Auberges de Jeunesses Internationales. Rustique mais économique.
Les tarifs sont de l’ordre de 3000-3500 ¥ (repas évidemment non compris à ce prix-là).

Temple bouddhiste
Voilà une formule pour le moins originale (et calme, donc idéale pour moi qui déteste le bruit). Certains temples accueillent et hébergent en effet les touristes. Que vous soyez bouddhiste, athée ou d’une autre obédience n’est pas un problème, du moment que vous tenez correctement, ce leitmotiv va de soi. Les modalités sont très variables d’un temple à l’autre, de même que les tarifs qui tournent autour de 4500-6500 ¥. Si vous êtes vraiment fauché ou complètement rapace, sachez qu’il existe quelques temples qui vous hébergeront gratuitement.

Guest house
Les guest houses sont des colocations au mois ou à l’année. Il en existe de plusieurs types selon l’agencement des lieux : dortoir, “tout commun” (vous dormez dans la même chambre que vos colocs en lits superposés), semi-commun (vous avez votre piaule, le reste des pièces est en commun). Existe aussi en version “tout privé”, càd que tout bêtement vous louez votre appart’.
On les appelle souvent gaijin house, puique c’est la solution sur laquelle se rabattent beaucoup de gaijin pour les longs séjours, car la plus économique à long terme. Hors des guest houses, il est d’ailleurs très difficile pour un gaijin de louer un appartement “normal” sans passer par un intermédiaire local qui sert de prête-nom, et sans procéder à un arrosage de “cadeaux” (en France, ça s’appelle des pots-de-vin, ici, c’est une coutume). Diverses agences se sont spécialisées dans ce type de services mafieux (si, mafieux quand même, les liens entre immobilier et yakuza sont un secret de polichinelle ici).
A noter que c’est aussi une solution sur laquelle se rabattent beaucoup de Japonais pour des raisons évidentes de coût. Dixit l’ami Pierrot (mon pote, pas celui de la comptine) qui a vécu en guest house pendant un an à Tokyo, ça peut être une solution sympa pour vivre au quotidien avec des Japonais… ou pas selon sur qui on tombe. Il en garde dans l’ensemble un bon souvenir (sauf 2 mois de présence d’un couple d’Américains). Evidemment, un minimum de sociabilité est indispensable, ce qui m’exclut d’office…
Les tarifs sont d’une variété extrême selon le type de guest house, sa localisation pratique, la ville, etc. On peut donc aussi bien trouver dans les 30000 ¥ que dans les 100000 ¥.

Le camping
Si vous aimez les tentes, 3000 terrains de camping vous attendent. A éviter l’été, car les campings sont pris d’assaut par les étudiants. Je n’ai pas testé pour ma part, mais Yumi adore ça, donc un de ces quatre, je planterai mon piquet pour une java sous le plus grand chapiteau du monde, mais je m’égare.
Il y en a pour tous les goûts : tente (qui peut éventuellement vous être louée), caravane, bungalow, chalet… Les tarifs sont donc très (très très) variables.
Plein d’infos région par région dans ce lien, dont les prix et les coordonnées de pas mal de campings.

Solutions de bricoleux
En plus des hébergements proprement dits, il existe des solutions de dépannage, notamment quand vous loupez le dernier train pour rentrer à la maison.

  • Le manga kissa (漫画喫茶) ou “salon de thé manga” – je n’aime pas la traduction “manga café” vu qu’ici le thé est une religion – est un croisement entre librairie et un cybersalon de thé. On peut y lire des manga en libre-service, mater des animes, disposer d’un accès Internet, profiter d’un service snack-rafraîchissements à volonté, le tout dans une cabine équipée comme une navette spatiale (fauteuil en cuir, télé grand écran, lecteur DVD, console de jeu, ordinateur). Beaucoup de ces nolife paradises restent ouverts toute la nuit et disposent carrément de douches et futons. Et pour un prix dérisoire moyen de 350 ¥ de l’heure, avec un forfait nuit tout compris de 1000-1500 ¥ selon les établissements. Autant dire que les lieux font office de résidence principale pour les plus démunis (ネットカフェ難民, nettocafe nanmin ou “réfugiés des cybercafés”).
    J’ai testé en compagnie de Yumi (les cabines existent en version mono et biplace, je vous passe les détails graveleux), plus pour les manga/anime que l’hébergement proprement dit. Le fait est quand même que la douche au petit matin après s’être flingué les yeux sur un écran et je ne sais combien de volumes de BD, c’est appréciable. 1200 ¥ pour un forfait 22 h-7 h, c’est limite donné. (Cf. également ici.)
  • Les salles de karaoké. Je n’ai testé que la version “classique” du karaoké à mon corps défendant et en simple spectateur. Sachez qu’il existe des chambres de karaoké. Oui, c’est concept. Si vous vous sentez l’âme d’une rock star autiste, les grandes villes comptent pas mal de salles individuelles pour se livrer toute la nuit au plaisir coupable de chanter comme une casserole sans le ridicule d’une prestation en public. Elles sont insonorisées, forcément, et très confortables. Pioncer dans ce silence absolu vous coûtera environ 2000 ¥.
  • Les saunas. Pas testé non plus, moitié parce que mes tatouages ne me permettent pas de rentrer partout et moitié parce que je ne suis pas fan des trucs à base de vapeur/chaleur/humidité/flotte. Toujours est-il que certains établissements disposent de salles de repos où passer la nuit. Comme les autres solutions de secours, elle s’adresse d’abord aux employés qui n’ont pas pu attraper le dernier train pour rentrer, soit à cause de leur boulot, soit à cause des beuveries entre collègues après ledit boulot. Tarif moyen de 3-4000 ¥ la nuit.

Enfin, au rang des inconnues, parce que je dois bien avouer mon ignorance en la matière, on compte encore quelques cas spécifiques, notamment si vous venez étudier dans certains cadres bien précis. Ainsi, certains échanges scolaires incluent la résidence universitaire et certains séjours linguistiques le logement chez l’habitant.
Je donne les tarifs à titre vraiment indicatif. Comme partout, on trouve de tout à tous les prix, c’est juste pour donner un ordre d’idée général. Je ne rembourse pas l’écart de prix si vous trouvez moins cher.
Si avec tout ça, vous ne trouvez pas à vous loger, vous le faites exprès…

Petit bonus :
Au Japon, on compte la superficie en se basant sur la dimension d’un tatami (畳).  Soit 1,80 m de long sur 90 cm de large environ, les dimensions variant d’une région à l’autre. Attention, 畳 se lit tatami quand on parle de la paillasse en tant qu’objet et quand il est employé comme unité de mesure. Une pièce standard japonaise mesure 6 , soit environ 10 m², on peut y disposer 6 tatami (logique).