L’occasion de voir une pointure à l’œuvre… de l’écouter, surtout, puisque la vidéo ne montre jamais qu’un type assis à son bureau.
La pointure, c’est Jean-Noël Robert, orientaliste dont la qualité des travaux de recherches n’est plus à démontrer.
L’occasion, c’est la leçon inaugurale au Collège de France, suite à sa nomination à la chaire de philologie de la civilisation japonaise.
Si vous ne connaissez ni l’un ni l’autre, c’est bien dommage. Sachez que pour un prof, le Collège de France constitue le couronnement d’une carrière, comme remporter la Coupe du Monde pour un footballeur.
Attention, ladite leçon dure une heure et ne s’écoute pas d’une oreille distraite comme on le ferait pour un reportage de TF1 aux propos superficiels sur sushi, samouraï et manga. On parle bien d’un cours universitaire de haut niveau qui demande de l’attention.
La majeure partie du propos de Jean-Noël Robert portant sur le discours de Kawabata Yasunari lors de sa réception du prix Nobel de littérature en 1968, quelques connaissances en littérature japonaise (et chinoise, voire indienne) ne seront pas de trop. En effet, aussi bien Kawabata que Robert se livrent à d’abondantes références. Normalement, toute personne un tant soit peu intéressée par la culture japonaise reconnaîtra les auteurs et œuvres citées, au moins de nom à défaut de les avoir lus. Sinon, on doit quand même pouvoir capter la teneur général du discours, les citations ne venant jamais qu’étayer des idées clairement explicitées. (Du moins je le suppose. Connaissant lesdites références, j’ai du mal à me mettre dans la peau d’un parfait inculte…)
Le style est évidemment très académique, parfois chiant, guindé, ampoulé, abondant en connecteurs logiques et expressions conventionnelles type dissertation (les rébarbatifs “il convient de…”, “nous nous attarderons sur…”). D’une richesse et d’une construction remarquables, cela dit. Je suis toujours indulgent avec les gens qui emploient le subjonctif plus-que-parfait à l’oral comme s’il s’agissait du temps le plus naturel du monde. Si comme moi le style universitaire vous donne de l’urticaire, il faudra passer outre la forme pour profiter pleinement du fond, lequel mérite largement le détour. Car on aurait tort de bouder son plaisir tant le contenu de la leçon se révèle passionnant. Le bonhomme connaît son affaire, y a pas à dire !