外人。 Le mot est lâché…
Stricto sensu, un gaijin, c’est juste un étranger.
C’est d’ailleurs la traduction littérale des kanji : un gus de l’extérieur. Connotation péjorative zéro. Ou presque, puisque la mentalité japonaise est à l’image du reste du monde. Un étranger est au mieux différent, plus ou moins un intrus, voire carrément un ennemi. Hospes hostis, comme on dit chez nous vous. Ça vaut partout dans le monde.
Vu la politique d’ouverture, ou plutôt de fermeture, du Japon vis-à-vis de l’Occident et même du reste de l’Asie, l’étranger n’a pas toujours été le bienvenu et aujourd’hui, s’intégrer en tant que gaijin reste un challenge. La façon qu’ont parfois les Japonais de vous dire que vous n’êtes pas Japonais… Sans forcément penser à mal d’ailleurs, façon de dire que l’Occident et l’Orient ont des modes de pensée parfois si différents que la compréhension mutuelle n’est pas gagnée. C’est comme quand une nana dit : “t’es un mec, tu ne peux pas comprendre”. Pas une critique, juste un fait.
Il est quand même assez marrant de constater que pendant l’ère Meiji, gaijin pouvait avoir une connotation positive quand il se référait aux Occidentaux. En effet, le Japon se met à l’école de l’Occident qui dispose de plein de trucs fabuleux : l’industrie, le chemin de fer, des gros canons, le progrès technique.
Toujours est-il qu’à l’arrivée, les gaijin perçoivent généralement une connotation péjorative dans un mot qui n’en a pas au départ. Et de ce fait, même si la plupart des Japonais l’utilisent de façon neutre, gaijin peut aussi parfois être employé de nos jours comme une insulte. Il suffit de voir le dérivé flyjin désignant les étrangers qui se sont envolés du Japon en 2011 après la catastrophe de Fukushima, perçus comme des traîtres ou des lâches qui ont abandonné les Japonais. Et là effectivement c’est une insulte.
Au gré des glissements de sens divers et variés, on en arrive aujourd’hui à : gaijin (外人) pour désigner les étrangers en général et, selon le contexte, plus spécifiquement les Blancs et gaikokujin (外国人) pour désigner les non-Japonais en général (neutre) ou les étrangers si-on-a-peur-de-les-offenser-en-les-appelant-de-gaijin (politiquement correct).
Car les Japonais, amateurs forcenés du consensus, plutôt qu’expliquer aux Occidentaux qu’ils étaient très cons de se sentir insultés à tort, se sont adaptés. Gaikokujin est devenu la désignation officielle des étrangers par l’administration et le terme vu comme politiquement correct par les médias nippons.
D’expérience, quand je me présente comme gaijin (oui, ça saute aux yeux que j’en suis un, mais bon), je n’ai encore jamais vu mon interlocuteur afficher des yeux effarés comme si je lui avais dit : “salut, je suis un connard de Blanc”.
A l’inverse, je n’ai toujours été confronté qu’à un emploi neutre du terme.
A une exception près. Scène (relativement) cocasse dans un bus où les propos de mon vis-à-vis ne laissaient aucune ambiguïté sur ce qu’il pensait des “barbares étrangers”. Ceci dit, à côté des diverses insultes dont il m’a abreuvé, une acception péjorative de gaijin dans le lot, c’était de la petite bière.