“Et voici qu’apparut à mes yeux un cheval noir ; celui qui le montait tenait à la main une balance.” (Apocalypse, 6, 5)
Oui, bon, c’est le cheval qui est noir, pas le cavalier, mais la licence poétique m’autorisait à bidouiller le titre.
Le jour où les quatre cavaliers débarqueront pour semer leurs joyeusetés apocalyptiques, ils risquent de tomber sur un os au Japon. Notamment la Famine.
En effet, difficile de mourir de faim ou de soif dans un pays où on trouve des distributeurs à tous les coins de rue, au propre comme au figuré, y compris dans des endroits complètement improbables et où personne ne passe (excepté moi pour constater que personne d’autre n’y passe).
A Tokyo, j’ai même vu des distributeurs de repas chauds, proposant notamment… des frites ! Je n’ai pas testé, quelque part je regrette. Mais si j’avais goûté, j’aurais peut-être regretté aussi…
Parmi les nombreuses qualités qu’on peut louer chez les Japonais, il y a l’ordre et le sens du service.
Combien de fois en France a-t-on pesté contre des clients qui ne se cassaient pas la tête en se débarrassant des articles superflus dans n’importe quel rayon ? contre les rayons bordéliques ou à moitié vides ? contre des employés pas toujours polis ou au courant de l’emplacement de ceci ou de cela ? Moi, souvent (mais je râle sur tout, donc je ne suis pas forcément une référence).
Le Japon n’étant pas une entité idéale et éthérée où tout est toujours parfait, ça peut arriver ici aussi. Mais moins souvent, beaucoup moins même.
Je referai un topo sur le “service à la japonaise”, mais quand on dit que le client est roi, ici, c’est pris au pied de la lettre. Vous demandez quelque chose, on vous l’apporte, toujours accompagné d’excuses pour le délai même si ça n’a pris que 5 secondes pour l’attraper dans le rayon et vous le fourrer dans la main.
Exemple : ma cafetière.
Ma consommation immodérée de café étant connue, l’achat d’une cafetière a fait partie du “top priorités” quand on s’est installé. J’ai un don pour vouloir systématiquement le produit qui n’est plus disponible, je n’ai donc pas été surpris de voir que le magasin n’avait pas le modèle que je voulais.
En France : “non, bah tant pis” et vous vous rabattez sur un autre modèle ou vous repartez les mains vides reprendre votre quête d’un Graal du pauvre. Eventuellement, si vous êtes maudit, vous tombez sur un vendeur pas aimable qui semble sous-entendre que vous êtes sacrément chiant de vouloir CE modèle, comme si la rupture de stock était de votre faute et comme si vous ne pouviez pas la prévoir avant de demander.
Ici, le vendeur, après s’être copieusement excusé, a appelé son chef, le boss, le grand manitou. Qui s’est à son tour copieusement excusé – on s’y habitue, vous inquiétez pas. Ledit chef a appelé un autre magasin de la chaîne, s’excusant au passage de devoir me faire patienter. L’autre magasin disposait de l’objet de mes rêves. Je réponds : super, je vais passer le chercher. Que nenni ! On m’a proposé un thé (logique vu que je venais pour une cafetière…) histoire de patienter le temps qu’un gars du magasin B apporte l’artefact au magasin A. Après une énième batterie d’excuses pour l’attente, j’ai récupéré l’objet du délit et suis reparti heureux comme un pape bonze.
Il y aurait aussi beaucoup à dire sur les files d’attente où personne ne gruge à la moindre occasion qui se présente.
Vous constaterez par ailleurs que pendant que la France se gelait les miches dans son hiver nordique, nous, on achetait des glaces en t-shirt et bermuda.