Agenda festif

A me lire jusqu’ici, on dirait que je passe mon temps à faire la fête.
Hum… c’est vrai. Je passe effectivement mon temps à célébrer des fêtes, boire, manger, assister à des processions… Mais je bosse aussi ! (Si, si, je vous jure, votre Honneur.)

En réponse au mail d’un pote qui me demandait comment je pouvais gérer de front l’instauration d’une vie dans un univers étranger au bout du monde et ce qu’il faut bien appeler un planning de glandeur patenté.

Etant arrivé fin janvier et n’ayant commencé à bosser que début avril, j’ai pu bénéficier de deux mois complets en pur touriste. Certes, il a fallu s’occuper d’emménager, déballer les cartons, acheter le matos de première nécessité et régler de menus détails administratifs. Ceci étant, j’ai un logement de fonction, la quête d’un toit n’a donc pas pris longtemps et s’est limitée à en récupérer la clé, vu que je n’avais pas le droit d’emmener une pince monseigneur dans l’avion… Qui plus est, j’avais sous la main Yumi, native du coin donc aide de camp de premier ordre pour ne pas se retrouver largué avec pour tout bagage ma bite et mon katana. Qui plus est (bis), les parents de Yumiko nous ont épaulés, ce qui a considérablement facilité certaines choses, des plus triviales comme nous prêter dans un premier temps un plumard aux plus sérieuses comme me servir de “caution honorable” dans certaines démarches.
Côté boulot, activité chronophage s’il en est… Sachant depuis mai 2011 que j’allais débarquer au Japon pour enseigner, j’ai donc eu largement le temps de préparer “deux-trois” cours à l’avance en prévision des niveaux auxquels j’allais être confronté (qui vont quand même, en équivalents français, de la 6e à la prépa). Après avoir traîné longuement mes guêtres dans des divers domaines éducatifs en France, j’avais déjà de la matière toute prête qu’il a juste fallu compléter un peu et adapter aux programmes et méthodes japonaises. Ce n’est pas comme si je partais de rien… et c’était autant de temps gagné pour me livrer à d’autres activités.
Et maintenant que j’ai pris mes fonctions, je ne peux que me réjouir de bénéficier d’un planning de cours relativement léger et bien organisé.
Enfin, deux critères propres à ma pomme. D’abord un sens de l’organisation qui ferait passer un plan soviétique pour du travail de branquignole torché sur un coin de table. Ensuite, mes insomnies que je bénis tous les jours (et toutes les nuits). L’avantage de ne dormir quotidiennement que 2 heures, c’est de pouvoir faire en nocturne ce qui autrement me boufferait du temps pendant les heures ouvrables. Il n’est pas rare que je corrige des copies à 3 h du matin, puis petite sieste de 5 à 7 et c’est reparti pour un tour. Habitant sur le campus où je bosse, je ne suis pas trop enquiquiné non plus par le temps de trajet pour aller au taf : il y a 3 mn de marche entre mon lit et ma salle de cours (+ 5 si on inclut le café et l’échange de mon pyjama pour une tenue de sensei plus appropriée).

Voilà, mon cher *** (ou Seb pour les intimes), tu as la réponse à ta question : c’est tout bête, j’ai du temps libre et je sais l’organiser.

En gros, ma journée de boulot du lundi au vendredi, c’est :
8h30 – 12 h : cours de langue et civilisation
Voilà.
Oui, je sais, ça paraît peu, mais c’est finalement le volume horaire d’un prof en France. Sauf qu’ici, mon emploi du temps est plus concentré, sans trou à la con à meubler en cancanant en salle des profs.
Là-dessus s’ajoutent les éternelles corrections et quelques préparations de cours en nocturne. Certaines après-midis, j’anime également des ateliers culturels sur la France (camembert, Tour Eiffel, etc., les classiques). Je donne aussi quelques cours particuliers à des étudiants, ce qui, en fonction de leurs disponibilités, peut aussi bien se passer à 14 h qu’à 21 h.
A l’arrivée, ça me laisse quand même pas mal de temps libre pour le reste : arts martiaux, copulation, visites touristiques dans Kyōto, fêtes en veux-tu en voilà.

Sur un plan tout ce qu’il y a de plus terre-à-terre, en plus du temps, faut des moyens.
Les visites de musée ne sont pas gratuites. Mais, pour rester sur le thème initial, les fêtes si. Assister à une procession ne coûte rien. Mes virées lors de hanami me sont revenues au prix d’un pique-nique. Les fêtes à la maison sont bon marché (quel scoop !). En extérieur, le coût peut être nul à pied ou à vélo. Et même si les transports japonais sont chers, les dépenses comme le train pour aller à des festivals sur Nara sont absorbées par mon absence de frais de déplacements professionnels (l’usure de mes chaussures représentant un coût modique voire négligeable – et vu le temps qu’on passe déchaussé, on ne les use pas vite).
A côté de ça, j’ai les moyens de ma politique. Salaire de prof + cours particuliers = montant plus que raisonnable au Japon… et indécent comparé à un prof français, surtout que mes frais annexes comme le logement ou le transport sont nuls (si vous saviez, chers “collègues” de l’Education nationale française, vous pleureriez vos mères).

Voilà pour le comment. Le pourquoi est simple.

  • Dès qu’il s’agit de faire la chouille, je demande toujours où il faut signer.
  • Je vis avec une Japonaise qui, sur le plan culturel, est une traditionnaliste (ce qui me va très bien). Elle fête tout. Je me retrouve par conséquent embringué dans le tourbillon festif de gré (toujours) ou de force (jamais).
  • Je n’ai pas signé juste pour être prof, sans quoi la France m’aurait suffi, mais pour être prof au Japon. Faudrait quand même être demeuré pour venir vivre dans un pays si riche culturellement et ne pas en profiter. Tellement de choses à voir et découvrir, une nouvelle expérience culturelle par jour ou presque, je ne vais certainement pas rester enfermé chez moi comme dans un bunker.
  • Même si je fais beaucoup de tourisme, je ne suis pas venu en touriste. Je suis installé ici. Connaître (et pratiquer) la culture festive fait partie de ces choses qui permettent de saisir l’ambiance et de s’y adapter. Et quand on se déracine d’un pas à un autre, s’adapter est tout simplement vital (merci, Darwin). Pour tout dire, j’envisage carrément à terme la naturalisation. L’intégration étant un défi pour les gaijin, toutes les occasion sont bonnes à prendre. Participer aux fêtes – pas simplement y assister en spectateur étranger – fait partie du “challenge intégratoire”.
  • Pour ce qui est de la participation active, je m’y retrouve plutôt bien. Païen depuis l’âge de mes 6 ans, je n’ai pas de mal à m’adapter au shintō. Le côté pratique du polythéisme, c’est que les concepts sont les mêmes, seuls changent les noms des dieux. Question d’adaptation, encore une fois. Bref, je ne vais pas rentrer dans le détail de considérations qui, comme je dis toujours, sont entre mes dieux et moi, mais au moins ici, je peux pratiquer.