Nihongo

Nihongo (日本語) n’est ni une version japonaise du jeu de go ni une onomatopée de pom-pom girl pour encourager une équipe. C’est la langue (go) du Japon (Nihon). Le japonais, quoi.

N’importe quelle recherche sur le Net vous donnera le détail, je me contenterai donc d’un survol rapide.
Le japonais est une langue difficile (sans blague ?!?). Si la grammaire n’est pas forcément très compliquée par rapport au français, c’est au niveau du sens que se situe une des grosses difficultés. Les flous, les non-dits et les x sens que peut avoir tel mot dans tel ou tel contexte transforment n’importe quelle conversation en champ de mines où on risque de dire une connerie ou en nuée brumeuse à laquelle on n’entrave que pouic. Une phrase hors contexte peut se traduire de différentes manières, largement plus nombreuses que dans le cas d’une langue occidentale. Un mot tout seul, c’est pire. Pour faire bonne mesure, un même son peut être écrit de plusieurs dizaines de façons différentes.
L’écrit, justement, alors là… 4 systèmes d’écriture à connaître : 1 alphabet (le romaji, que normalement vous connaissez et qui servira peu), 2 syllabaires (hiragana et katakana de 46 caractères de base chacun, auxquels s’ajoutent une flopée de diacritiques) et l’équivalent d’un dictionnaire avec les kanji (par chance, sur les 50000 recensés par le plus gros dictionnaire japonais, il suffit d’en connaître “seulement” 2136 d’après la liste officielle).

Apprendre le japonais, comme disait mon ami Rocco Siffredi dans un autre domaine, c’est long et dur. Ayant appris à la fois, en vrac, sur le long terme et de 12000 façons différentes, ma méthode n’est pas une référence en matière d’académisme et d’orthodoxie. D’après Yumi, quand on n’est pas pressé, le mieux est de suivre l’ordre scolaire japonais, tout bêtement.
10 ans pour apprendre et maîtriser le japonais, c’est le minimum, en tout cas pour un niveau quasi langue maternelle. C’est à la louche le temps de la scolarité japonaise correspondant à l’apprentissage des plus ou moins 2000 kanji de base. On ne s’y met jamais trop tôt.
Je conseille quand même une méthode autre que la mienne : bordélique, originale, certes enrichissante, mais longue et inutilement complexe.

Où apprendre ?

  • A la fac, mais mieux vaut se renseigner sur le niveau (celle de Lille III serait paraît-il à éviter). La fac peut aussi être un bon moyen de rencontrer des étudiants japonais que vous pourrez embaucher comme prof particulier (sous réserve de ne pas tomber sur un cancre venu glandouiller en France).
  • Le CNED est possible (mais je n’en sais pas plus).
  • Les associations culturelles nippophiles proposent des cours 9,9 fois sur 10. L’enseignement n’y est pas toujours très académique au sens scolaire du mot, mais en tout cas, c’est bonne ambiance et les tarifs sont abordables. A l’inverse si vous êtes du genre stakhanoviste de l’apprentissage, vous risquez de rester sur votre faim.
  • On peut également passer par divers instituts et boîtes de cours privés, pas forcément bon marché. Certaines ne proposent que les cours en France, d’autres ont des formules pour aller apprendre directement sur place.
  • Dans la même veine, il existe tout un tas de bourses et programmes d’échange scolaires pour apprendre le japonais au Japon.
  • Les grands malades peuvent partir sac au dos et apprendre sur le tas. Faut aimer les défis… Heureusement, il y a pas mal de cours (au niveau très variable) pour les étrangers. On peut aussi facilement trouver des étudiants intéressés par des échanges de langue. L’idée n’est pas de se rouler des patins, mais de s’enseigner mutuellement un idiome : vous échangez des cours de français contre des cours de japonais. Solution qui a le mérite d’être économique.
  • Les cours particuliers ont l’avantage d’un enseignement personnalisé (lapalissade inside) et à votre rythme. Sur le long terme, la formule revient très cher, sauf si comme moi vous vous mettez en couple avec votre prof pour travailler la langue ou si vous organiser le même genre d’échange de cours que mentionné ci-dessus.
  • Enfin, les méthodes autodidactes. Là aussi, faut aimer les défis : trouver la bonne méthode, les bons bouquins, les bons supports audio… s’y atteler… se discipliner et rester assidu. Il va de soi que beaucoup lâchent en route.

Je ne vais pas rentrer dans le détail de mon apprentissage, je suis l’exemple à ne pas suivre – encore que sur le long terme, ça m’ait réussi. J’ai testé les cours en asso, sympas, mais pas adaptés à mon rythme faidherbard. 1h30 de cours par semaine et une ambiance plus détendue que studieuse, c’est clairement insuffisant. J’ai suivi quelques cours à la fac dans ma version très personnelle de l’auditeur (très) libre : s’installer au fond et se faire passer pour un étudiant. J’ai eu brièvement deux profs particuliers, puis Yumi à plein temps. Et surtout, une longue quête solitaire d’apprentissage en autodidacte.
A l’arrivée, c’est à Yumi et moi que je dois le plus gros. A moi pour une longue périodage d’apprentissage tous azimuts, certes à la ouaneugaine mais très copieuse. Et à Yumi pour ses myriades de cours à normaliser et recadrer mes bases et pour m’avoir fait pratiquer au quotidien (parfois jusqu’à 10 h par jour… esclavagiste !).

Il faut reconnaître que, même si on peut en apprendre pas mal par soi-même, je ne conseille pas forcément la méthode autodidacte. Pour avoir testé, elle demande vraiment un investissement très lourd en temps et en efforts, et surtout on procède beaucoup à l’aveuglette, ce qui pourrait passer avec l’anglais mais pas avec une langue aussi complexe. Vaut mieux combiner avec des cours pour avoir des bases solides quitte à poursuivre en solo pour certains approfondissements. Je lis régulièrement le conseil inverse (apprendre les bases soi-même et ensuite approfondir en cours) : c’est à double tranchant, parce que si on assimile de mauvaises bases, c’est très dur à corriger ensuite. En solo, on peut apprendre tout le “par coeur”, ce que j’ai fait avec les kana (hiragana et katakana), des kanji divers et variés que je rencontrais ici ou là, et les expressions usuelles. Dès qu’on s’aventure dans la grammaire, la syntaxe, la conjugaison, la linguistique, c’est risqué sans cours.

En version courte :
Commencer par les hiragana. Impératif : les apprendre dans l’ordre (qui est celui des dictionnaires) et mémoriser leur tracé (qui ne se fait pas n’importe comment). Une fois qu’ils sont connus ABSOLUMENT par coeur, s’attaquer aux katakana, ce qui doit normalement aller plus vite (même ordre, beaucoup ressemblent aux hiragana forcément, et principes de tracés identiques).
Les kanji, il vaut mieux oublier dans un premier temps. Le moindre kanji demande un gros effort de mémorisation (tracé, nombre de traits, clé, 2 à 20 façons différentes de le lire, autant de façons de le traduire). Pas la peine de s’encombrer avec tant qu’on ne connaît pas ses kana. De toute façon, connaître les deux syllabaires ne vous prendra pas 6 mois, l’impasse sur les kanji est donc brève.
Le mieux reste de suivre l’ordre de l’école (liste ici), ce qui permet de démarrer avec les kanji à la fois les plus simples/courants/utiles. Chaque niveau doit être connu sur le bout des doigts avant de passer au suivant.
Cette méthode est longue et sa philosophie est d’arriver à connaître la langue japonaise aussi bien qu’un Japonais. Pour un apprentissage plus rapide et davantage centré sur une utilité pragamatique de conversation de base, on peut faire beaucoup plus simple : oublier les kanji et se concentrer sur kana/oral/phonétique – ce qui, de mon point de vue, est le Mal absolu, mais si l’objectif n’est pas de devenir parfaitement bilingue, pourquoi pas…

Evidemment, ce qu’on trouve sur le Net est à prendre avec précaution. Le Web francophone est relativement pauvre sur le sujet et souvent truffé de conneries racontées par gens qui croient s’y connaître avec trois onomatopées de manga. Sans parler de ceux qui se la pètent avec la “maîtrise” d’un “japonais” constitué uniquement de transcription en romaji.

Pour ceux que les examens tentent, il y a le JLPT (équivalent du TOEFL pour le rosbif) et le Kanken (pour les kanji). Les deux peuvent être préparés et passés en France, à l’exception des plus hauts niveaux du Kanken qui obligent à aller au Japon (obligation dramatique s’il en est). Je prépare actuellement les deux pour ma glorification personnelle (JLPT niveau 1 et Kanken niveau 2).

Un petit conseil qui n’a l’air de rien mais qui change considérablement la donne : lire tout ce qu’on trouve sur le Japon et sa culture. J’ai testé sur deux langues. La connaissance de la civilisation m’a aidé à apprendre le grec ancien en un an et considérablement facilité l’apprentissage du japonais. Je vous épargne le cours de linguistique de comptoir, mais la structure d’une langue est le reflet de la culture qui la parle (l’allemand est carré comme un Teuton, l’anglais simpliste comme un Yankee…). Etre imprégné de la culture fait qu’inconsciemment on comprend mieux les mécanismes de la langue et sa “philosophie”. C’est une réelle compréhension de l’intérieur au-delà du simple apprentissage bêbête de la grammaire et des listes de vocabulaire. Comprendre le Japon, penser japonais… forcément, ça aide à parler japonais.

Dans tous les cas, il y a des moments où on se décourage et où on décroche. Marre de tracer des lignes et des lignes du même caractère comme un gamin de CP. Marre de se rendre que si on ne passe pas son temps à voir et revoir ce qu’on a déjà vu, on risque d’oublier très vite.
On en chie. Vraiment.
Dans un groupe ou avec un prof, encore ça va, il y a moyen de se (faire) remotiver. La pratique solo, par contre, demande de ce fait beaucoup de volonté pour ne pas baisser définitivement les bras et beaucoup de discipline pour se fixer des objectifs et les tenir. Le champ des sirènes de la glandouille ou de la facilité est éminemment tentateur…

Bon courage à ceux qui se lancent ! Vous allez morfler, mais le jeu en vaut la chandelle.
Et plus spécifiquement, bon courage à un adepte du “menottage de copine au radiateur” qui reconnaîtra dans cet article quelques extraits de nos échanges sur le sujet.
Merci également à ma charmante professeur pour son enseignement digne d’un stage commando dans la Légion et pour nos échanges fructueux de culture latine (cunnilingus) et japonaise (緊縛).