Matthieu (1) : Laissez venir à moi…

Aujourd’hui, je vais vous parler de ces relations saines qu’entretiennent les enfants, les adultes et le sexe.

“Laissez venir à moi les petits enfants.” Voilà une expression qu’on entend bien souvent, le sens variant quelque peu selon qu’on la place dans le bouche de son auteur (Jésus) ou de ses utilisateurs (Dutroux & Cie).
Ce qui me chagrine surtout, c’est que cette citation reprise à l’envi est inexacte.
“Laissez les petits enfants et ne les empêchez pas de venir à moi” (Matthieu, 19, 14), dixit précisément le Christ avant de leur jouer le coup de l’imposition des mains – ce qui ne signifie pas tripoter mais bénir dans le langage de l’époque, passage visiblement mal compris par certains prêtres…

Lolicon

Dans la vision idéale qu’entretiennent certains d’un Japon éthéré et romantique, tout il est beau, tout il est parfait, les déviances (rebaptisées gentiment “exceptions culturelles”) se limitant au pire aux supports fictionnels.
Le complexe de la lolita (ロリータ・コンプレックス, rorīta konpurekkusu ; abrégé en ロリコン, lolicon) fait bondir les uns, saliver les autres. En Occident, le lolicon se limite aux mangas,  animes et jeux video mettant en scène des gamines mineures (7-17 ans). D’autres sous-genres renvoient aux garçons de la même tranche d’âge (shotacon, ショタコン), aux enfants de 6 ans et moins (ベビーコン, bebīcon), aux variantes entre garçons ou entre filles, etc.
Certes, on peut estimer – à juste  titre – que Japonais – du moins certains d’entre eux – sont des gros déguelasses pour pondre des trucs pareils et disposer d’un tas de termes pour les étiqueter comme s’il s’agissait d’un herbier innocent. D’un autre côté, s’il existe une acception strictement occidentale du lolicon, c’est bien parce que tout ce fatras trouve preneur hors de l’archipel.
Car au Japon, le terme, apparu à la fin des années 60, ne se limite pas aux mangas ou aux animes. Il désigne l’attirance “en général” pour les très (très et carrément trop) jeunes filles. C’est un des termes employés pour la pédophilie. Loin de cette vision occidentale des “BD vaguement bizarres-glauques-intriguantes-délirantes” (rayez les mentions inutiles), ロリコン est un terme de psychiatrie renvoyant au mieux à de la paraphilie, au pire à de la perversion sexuelle (性的倒錯).

Les législations

Un “détail” (du type détail à la Jean-Marie The Stylo) mérite d’être souligné. Au Japon, c’est légal. Enfin, pas tout quand même, faut pas déconner.

  • La loi limite l’accès aux œuvres lolicon aux adultes.
  • Le contenu autorisé couvre les œuvres fictionnelles comme les animes (aujourd’hui rares en ce domaine), les mangas et les jeux vidéo. Ce qui pourrait presque passer pour “bon enfant” (pas pu m’empêcher…) si le dessin n’autorisait pas tous les délires pédopornographiques possibles, du plus conventionnel à la foire aux tentacules.
  • Autre contenu légal qui ferait hurler en France, les loli photobooks. Il ne s’agit pas de pornographie, les modèles étant habillés… mais mineurs. Les poses suggestives sont à l’honneur, je ne vous fais pas de dessin.
  • Tout ce qui met en scène modèles en chair et os + relations sexuelles est rigoureusement verboten.

A noter que dans nombre de pays occidentaux, la législation n’est pas toujours très claire pour les œuvres de fiction. L’aspect virtuel (“pas de crimes, pas de victimes”) laisse un flou artistique complet dans nombre d’Etats comme les Pays-Bas ou l’Allemagne. Dès lors que les représentations ne sont pas trop réalistes, ça passe… Certains pays comme l’Afrique du Sud et le Canada ont en revanche clairement interdit le lolicon, ne faisant pas de distinction entre représentation réelle et virtuelle. La loi française était susceptible d’interprétation variable jusqu’à une jurisprudence récente (12 septembre 2007) qui a vu la condamnation de détenteurs de lolicon. Vous êtes prévenus…
A l’arrivée, on peut aussi bien montrer du doigt les Japonais… que les législateurs occidentaux qui ne savent pas se positionner clairement.

Mais pourquoi ?…

Pourquoi les petit(e) jeunes ?

En vertu d’un principe très con qui vaut aussi en Occident. Tout ce qui est petit est mignon. Le phénomène kawaii (可愛い ou  かわいい) est une véritable religion au Japon autant dans des domaines tout ce qu’il y a de plus anodins que dans d’autres qui le sont nettement moins. Je reparlerai du kawaii à l’occasion d’articles un peu moins “plombe ambiance”.

Dans une société aussi hiérarchisée que le Japon, le phénomène lolicon doit aussi beaucoup au rapport entre les classes d’âge. Plus vous êtes âgé, plus vous êtes digne de respect. Et par voie de conséquent, vous avez pouvoir (théorique ou réel) sur les plus jeunes que vous. Ce n’est pas si incongru quand on sait que le phénomène existe ou a existé en Occident. Rappelez-vous le pater familias romain qui avait droit de vie et de mort sur les membres de la maisonnée. Ou encore l’éphébie grecque où les aînés-mentors-citoyens trouaient joyeusement la rondelle des petits protégés qu’ils devaient (dé)former. Présenté sous cet angle, les faits remontent à loin et on se dit que la société occidentale a grandi et mûri. A voir. Car plus proches de nous, les cas de profs qui se tapent leurs élèves ou de prêtres qui tripotent leurs enfants de cœur ou d’inceste parent-enfant, qu’est-ce sinon l’abus d’un écart d’âge et d’une autorité (morale, spirituelle, familiale…) ?

Et puis il y a cet humour japonais si… japonais. Loin du cliché de l’oriental impénétrable, les Japonais rigolent (oui, oui). Mais carrément pas des mêmes choses qu’en Occident. Et encore, même en Occident, l’humour est variable entre le pince-sans-rire britannique, le pouet pouet français ou, plus proche par certains côtés de l’humour nippon, l’humour gras Yankee à base de grimaces débiles, chutes et tartes à la crème. Ici, on aime le caca-prout et Kitano (oui, le grand Kitano Takeshi) est le Benny Hill local.
Corollaire de l’argument précédent, les gags mettant en scène un mentor et son disciple sont récurrents et “normaux”. Le comportement trivial voire grivois du sensei est un topos de la littérature manga, y compris les œuvres familiales. Après, ça va plus ou moins loin et c’est plus ou moins drôle, comme on dit, des goûts et des couleurs chacun voit midi à sa porte et pierre qui roule n’amasse pas mousse. Evidemment dans le lolicon, ça part carrément en vrille.
Vu le nombre de blagues pédophiles ou de références (Monsieur Manatane en Thaïlande) que je connais en langue française, il faut croire que les Japonais ne sont pas les seuls à disposer d’un répertoire sur le sujet…

Tout ça pour dire que les Japonais, tout différents qu’ils soient… ne le sont pas tant que ça et qu’ils ne détiennent pas le monopole dans ce domaine.
(Oui, je défendrai toujours ce peuple en général, et non, ça n’empêche pas de condamner les pratiques de certains en particuliers.)

Les gastromones en culotte courte ont-ils du mal à s’asseoir ?

On pourrait ergoter longtemps sur “c’est bien, c’est mal, on s’en fout”. C’est tout le débat sur la pornographie en général et l’identification de telle ou telle catégorie à des objets sexuels (les blondes à forte poitrine, les petites écolières, les nains, les chiens, etc.).
La vraie question est factuelle.
Parmi les diverses explosions pornographiques qu’a connu le Japon, on peut citer le “lolicon boom” (ロリコン・ブーム) pendant la première moitié des années 80. Tous les Japonais n’étant pas des pornographes qui ne rêvent que de fourrer la main dans la culotte des petites filles, le mouvement a suscité pas mal d’inquiétude. En suscite encore. Fait toujours l’objet de débats et controverses, on s’en doute.
Deux écoles s’opposent. D’un côté certains estiment que le matériel pornographique disponible peut donner de mauvaises idées et inciter à tester en vrai. Cette théorie est contredite par les faits, puisque, dans les pays où on trouve du cul à tous les coins de rue et des études ont été menées comme le Danemark, la Suède, l’Allemagne ou le Japon, aucune corrélation n’a été mise au jour entre “porn++” et “viols++”.
Pour d’autres, ledit matériel permettrait d’évacuer la tension sexuelle dans le virtuel plutôt que passer à l’acte (en bref, mieux une pignolade qu’un viol). Théorie séduisante et qui semble marcher au Japon, même si ses défenseurs oublient – parfois volontairement – d’autres facteurs. Par exemple, la législation a évolué de même que les mœurs. Comme sa consœur européenne, la femme japonaise s’est libérée et s’autorise une sexualité qui ne mène pas forcément au mariage ou n’implique pas nécessairement qu’on lui force la main (et d’autres organes). Autre évolution, cette fois par rapport au sentiment de honte qui imprègne la culture japonaise, les campagnes de sensibilisation à la dénonciation des viols. Et cetera, et cetera.

Au Japon, il semblerait que depuis la méga explosion porno des années 1970, les chiffres d’agressions sexuelles soient à la baisse. A croire que les violeurs en puissance se soient majoritairement rabattus sur l’astiquage solitaire. Il faudrait comparer avec les statistiques de foulures de la veuve poignet.
Ceci étant, tout n’est pas rose. Si les chiffres de viols sur mineurs ont considérablement baissé au cours des 30 dernières années du XXe s, la tendance s’inverserait-elle ? Le “lolicon 3D temps réel en milieu scolaire” (en clair, tripotage d’élèves par des profs) a explosé avec une hausse de 40% entre 1999 et 2009 (150 profs concernés en moyenne chaque année).
Evidemment, comme tous chiffres, on leur fait dire ce qu’on veut et ils valent ce qu’ils valent. Par exemple, le nombre de cas de viols non reportés, car cause de honte pour la famille, est par définition inconnu. De même, la hausse de certains chiffres ne veut pas forcément dire que davantage de crimes sont commis, mais que davantage sont rapportés aux autorités. Sans compter que dès qu’on parle de chiffres officiels, les gouvernements ont l’art de publier ou souligner ce qui les arrange. (Pour ceux que les chiffres intéressent, il y en a plein dans cette étude.)

Toujours est-il que si on s’en tient aux chiffres bruts, le Japon est plus sûr que les pays d’Europe et votre cul y est en relative sécurité.

(PS : Pour ceux qui fantasment sur les uniformes d’écolières ou les petites culottes, thème dont on attendrait de ma part qu’il soit davantage présent dans cet article, rassurez-vous un topo complet sur le sujet est prévu pour bientôt.)