L’histoire de Paf le typhon

Le mois dernier jour pour jour, je vous avais parlé de Man-Yi, le typhon qui nous avait rendu visite.
Depuis, l’eau a coulé sous les ponts et d’autres typhons sont passés par là. Très exactement sept, dont vous n’avez pas entendu parler faute de dégâts ou de morts en nombre assez suffisant pour mériter mention dans la presse francophone.
Arrive Wipha, matricule 1326 – traduction, 26e typhon de l’année 2013. Le seul truc à peu près vrai du fatras de conneries qui se raconte, c’est qu’il s’agit bien d’un énorme typhon, un des plus gros à toucher le Japon depuis le début du XXIe s.
Et… y a rien de plus à en dire.
La preuve, la presse a vite fait le tour de l’info, au point de devoir se contenter de simples mises à jour du bodycount. Tapez “typhon Wipha” sur Google et vous verrez. Les trois quarts des titres s’articulent autour de la mention “au moins x morts”… et quand elle n’est pas dans le titre, vous la trouverez dans les deux lignes de résumé des résultats.
Que dire des annonces il y a deux jours, où il était question d’une Tōkyō pétrifiée de trouille sous la menace du pire cataclysme de tous les temps ?… Sauf que Tōkyō n’a pas été “touchée” mais “frôlée” et qu’elle se dresse encore fièrement et en un seul morceau. Vous me direz, être frôlé par un typhon, c’est pas rien, j’en sais quelque chose depuis le mois dernier. M’enfin, on est loin de l’apocalypse annoncée. Suffit de voir le bilan ridicule pour un bestiau de cette puissance… Quant aux effets de manche sur un Japon paralysé par la crainte… Les journalistes ont dû oublier que les fermetures de transport et autres vols annulés, c’est juste normal. Les kamikazes, on a laissé tomber le concept depuis 1945. Le résultat du match avion-typhon étant connu, on met juste en place des procédures pour limiter la casse. Faut vraiment arrêter avec les formules apocalyptisantes sitôt qu’on ferme un aéroport pour cause de tempête ou une route parce qu’il neige à fond les ballons. Les Japonais n’en sont pas à leur premier rodéo et faudrait remettre les choses dans leur contexte au lieu de s’alarmer comme des débutants. Ici, on connaît tous les risques, les consignes, les procédures. Des typhons, il nous en arrive sur la gueule 28/an en moyenne, on est très vite dépucelé.
Enfin bon, comme d’hab’, on en parle, parce que Tōkyō est concernée, ainsi que Fukushima dans une moindre mesure. Sans quoi… Je me dis que Sapporo pourrait être rayée de la carte du jour au lendemain, vous n’en sauriez rien.

Vu sous cet angle, ce typhon ne ressemble à rien.
Vu sous cet angle, ce typhon ne ressemble à rien.
En vrai, Wipha ressemble à ça.
En vrai, Wipha ressemble à ça.

J’en profite pour revenir sur Man-Yi. Un pote reprochait à mon article du mois dernier de manquer cruellement de photos. Bon… Déjà, y en a plein Internet. Ensuite, j’avais autre chose à foutre que baguenauder dans les rues avec mon appareil photo en bandoulière. D’autant que la première consigne quand le vent souffle à 120 km/h insiste sur l’importance de ne pas foutre le nez dehors. Enfin, je ne suis pas journaliste, je n’ai donc pas fait vœu de sensationnalisme sur ce blog. A ceux que les images d’un Japon dévasté font triper, je conseille l’achat d’un bouquin sur la guerre dans le Pacifique, on n’a pas fait mieux depuis.
Cela dit, histoire de donner à mon lectorat une idée de ce à quoi peut ressembler… Euh, j’y pense d’un coup. Vous n’avez jamais vu de tempête chez vous ? d’inondation ? Parce qu’en fait, c’est ça, ni plus ni moins.
J’ai donc choisi le Togetsukyō (渡月橋). On le trouve le plus souvent appelé “pont de Togetsukyō” ou “Togetsukyo Bridge”, ce que je trouve profondément débile, puisque son nom contient déjà le mot “pont” (橋). Aussi crétin que de parler du “mont Fujisan” (ou Fujiyama selon l’erreur de lecture fréquente), y a déjà montagne dans le nom (山). Vous dites souvent “le pont du Pont-Neuf” ou “la montagne Mont Blanc”. Bref, on s’en fout.
Le Togetsukyō a le mérite d’être archiconnu. Tu te souviens du pont qu’on traversait naguère pour passer la rivière tout près de la maison ? Ben c’est pas lui. Situé dans le district d’Arashiyama, à l’ouest de Kyōto, le Togetsukyō est un pont de bois de 155 m de long pour 11 m de large. Depuis sa première édification au IXe s., il a été moult fois détruit et reconstruit ; sa version actuelle a vu le jour en 1934. Il enjambe une rivière, rien d’étonnant pour un pont. A ceci près qu’il marque l’endroit où la rivière change de nom. Comme disait Michel Sardou, c’est toujours la même eau qui coule, mais Ōigawa (大堰川) devient Katsuragawa (桂川).
Le Togetsukyō donne un bon aperçu de la quantité de flotte à être tombé en quelques heures.

Avant...
Avant…
... après.
… après.