Je vais, je vais et je viens

“Va, cours, vole, et nous venge.” Disait Don Diègue à son fiston de Cid (I, 5). Pour ma part, je cours et vole peu, me venge souvent et vais beaucoup, très beaucoup même.

Mon haut fait “le Grand Malade”, la tournée intégrale des temples et sanctuaires de ma bonne ville de Kyōto, m’oblige à me déplacer beaucoup. Sans parler des sorties à tire-larigot pour telle ou telle fête, des descentes à répétitions dans le Gion, des vadrouilles dans le reste de la ville, des escapades touristiques dans les alentours (Ōtsu, Uji, Nara) ou ailleurs dans l’archipel (Tōkyō).

Comment se déplacer au Japon, et plus spécifiquement à Kyōto ?

Je vais passer sur les modes de déplacements farfelus, ayant une expérience nulle en matière de rollers, skateboard, monocycle, fusée dorsale, dos de chameau ou d’éléphant, croiseur stellaire, et très limitée en pousse-pousse. Dans le domaine plus conventionnel des déplacements maritimes, du ferry au paquebot de croisière en passant par le sous-marin et la pirogue, j’avoue mon ignorance crasse faute d’occasion d’essayer depuis mon arrivée.

Je n’affabule pas au sujet des trajets à dos d’éléphant.

Avion

C’est le mode de transport le plus utilisé pour venir au Japon. Un scoop !…
Pour les aventuriers, il existe un train direct Paris-Moscou (38h de trajet) ; de là vous prenez le Transsibérien jusqu’à Vladivostock (1 semaine de trajet) ; puis le ferry jusqu’au Japon via la Corée (2 jours). Et qu’on ne vienne pas me dire que l’idée est délirante (la preuve). De toute façon, c’est hors sujet, j’ai parlé de se déplacer au Japon, pas vers le Japon.

Fait notable, Kyōto n’a pas d’aéroport à elle. Elle dépend de l’aéroport international du Kansai (関西国際空港) au sud d’Ōsaka à une heure et demie de train, qui dessert, comme son nom l’indique, l’international. Elle dépend également de l’aéroport international d’Ōsaka (大阪国際空港), également appelé aéroport d’Itami (伊丹空港) qui, comme son nom ne l’indique pas, est dédié aux vols intérieurs. Le nom trompeur vient du fait que l’aéroport d’Ōsaka-Itami, autrefois effectivement international, a été reconverti suite à la construction de l’aéroport du Kansai.

Donc l’avion, je n’ai testé qu’une fois sur une ligne intérieure. Pour aller à Tōkyō, ce qui est crétin, je sais. Le seul intérêt des lignes intérieures réside dans les déplacements longues distances, surtout pour les habitants des extrémités (Okinawa, Hokkaido…) et les touristes qui envisagent de couvrir le maximum de terrain pendant leur séjour.
(Explication très simple et qui donne son sens au titre gainsbourien de l’article : je voulais juste tirer un coup symbolique dans le ciel japonais – oui, je sais, je suis une mine inépuisable d’idées folles. Bilan : faut pas être gros. Les toilettes étant déjà petites pour une personne qui bouge peu, des galipettes à deux rendent vite claustrophobe. On sent tout de suite que ce n’est pas prévu pour, ce qui est dommage vu le nombre de personnes qui fantasment dessus. Honnêtement, il n’y a vraiment pas de quoi. On passe l’essentiel de l’acte soit à se contorsionner soit à se bidonner à cause desdites contorsions (en tout cas, moi ça me bidonne, mais je suis bon public). Enfin, marrant à tenter pour dire d’avoir essayé.)

Je fais avec ce que j’ai comme photos d’avion : le fameux Zero.

Voiture

Sans permis ni véhicule, il me serait difficile de jouer les Fangio (encore que ce dernier n’ait obtenu son permis qu’une fois sa carrière terminée !). Mon expérience dans le domaine se limite donc aux emprunts occasionnels par Yumiko de la voiture de sa mère. Je ne suis qu’un modeste passager qui se laisse emporter par la conduite acrobatique et démentielle de mademoiselle ma dulcinée. Cardiaques s’abstenir… Il m’a par ailleurs été formellement interdit de toucher au dit véhicule au motif que je suis fan de L’Agence Tous Risques – d’où risque de customisation panzériforme.

A noter qu’on roule à gauche au Japon, ce qui est bon à savoir quand on est conducteur… mais aussi piéton. Avant de traverser, on ne regarde pas dans le même ordre qu’en France, sans quoi on peut se faire tailler un short… surtout quand on a comme moi la manie de s’engager d’abord et de regarder après, qui plus est en commençant par le mauvais côté.

Cas particulier, les taxis. Honnêtement, je déconseille à moins de ne pas avoir d’autre choix, genre horaire nocturne ou trois tonnes de bagages à trimballer. Vous en trouverez sans difficulté, ils pullulent dans tout Kyōto, mais le trajet vous coûtera environ 5 fois plus cher qu’en bus ou en métro. Comptez environ 630-640¥ pour les deux premiers kilomètres et la suite dépend du tarif de la compagnie, majoré de 20% après minuit.
Niveau pratique :

  • Peu de taxis parlent anglais, prévoyez de noter votre destination en VO sur un papelard.
  • Prévoyez du liquide, tous n’acceptent pas les cartes bancaires, loin de là. Et sans garantie que votre carte française soit compatible même si elle est censée fonctionner partout dans le monde.
  • L’adresse de votre destination ne suffira pas forcément sauf rues principales et grandes artères. Beaucoup de rues n’ont pas de nom, donc pas moyen pour le chauffeur de les entrer dans son GPS. Prévoyez un plan d’accès et des indications du genre “c’est près du croisement entre Truc-homi et Machin-yama, pas loin du temple de Bidule-kama”.
  • A l’inverse de la France, le voyant rouge signale un taxi libre ; bleu ou vert, il est occupé (en général, on le voit à la personne assise à l’arrière).
  • On ne fume pas, on ne boit pas, on ne marchande pas le prix de la course, on ne laisse pas de pourboire, on ne se casse pas la tête à ouvrir ou fermer la portière.

Rail

Le trajet vers le monde onirique de la cocaïne n’est pas le sujet.
Le réseau ferroviaire est extrêment dense, efficace, rapide… et assez cher. Le touriste qui envisage de l’utiliser a intérêt a se munir du Japan Rail Pass ou JR Pass, amorti en un ou deux trajets.
Fait particulier par rapport à la France : les train sont à l’heure. Il y a quelque temps, je lisais un article où la SNCF s’enorgueillissait de respecter les horaires et se disait satisfaite de n’afficher un retard moyen “que” de 5-10 mn pour l’année 2011. Au Japon, un train qui a 1 mn de retard suscite un vent de panique sur les quais et un “retard acceptable français” fait la une des journaux. La moyenne de retard du Shinkansen (新幹線), le TGV local, tourne selon les années de 6 à 18 secondes.
La gare de Kyōto, une des plus grandes du Japon, est un véritable monstre avec magasins, hôtels, restos, cinéma, bureaux administratifs…
Article connexe : ici.

Sur rails, on peut également circuler en tramway et en métro. Les deux existent à Kyōto.
Avec ses 2 lignes (Karasuma Nord-Sud, Tozai Est-Ouest) et une trentaine de stations, le métro de Kyōto est comparable à celui de Toulouse et un poil plus petit que celui de Lille. Le trajet vous coûtera entre 210 et 350¥ selon la distance parcourue.
Qu’est-ce qui fait son charme ? L’exact opposé d’un métro français. Une propreté absolue tant sur les quais que dans les rames. Pas de papiers, de journaux, de canettes vides, d’odeur de pisse, de mendiants… Une discipline de fer où chacun attend sagement son tour pour monter, derrière la ligne, en rang et en silence. Et vous ne me croirez jamais, mais la RATP locale ne fait jamais grève. A noter aussi si vous êtes allergique à la langue de Mishima, les distributeurs sont accessibles en anglais.
Le métro de Tōkyō est quant à lui réputé pour sa grande simplicité (ironie inside). Le genre à faire s’arracher les cheveux aux vieux grognards du métro parisien.
Pour ce qui est du monorail, j’ai aperçu celui d’Ōsaka sans l’utiliser.

Plan du métro de Kyōto
Métro de Tōkyō… à comparer avec celui de Kyōto.

Bus

Je m’épargne un long discours : c’est à peu près comme en France, à savoir un gros véhicule qui transporte des gens le long d’une ligne où s’égrennent des stations.
Le site de la ville de Kyōto donne tous les détails à connaître en anglais (mais les fins lettrés peuvent se rabattre sur le japonais, le coréen ou le chinois). A noter que le réseau de bus comporte assez d’indications en anglais et de transcriptions en romaji pour qu’un touriste pas trop analphabète puisse s’y retrouver.
Je m’en sers surtout quand il drache comme pas permis vu que mon vélo n’est pas amphibie.
Le touriste qui débarque à Kyōto ira derechef au bureau minicipal des bus qui se trouve à la gare. Il y trouvera les plans, les tickets, les renseignements. Les bus circulent de 6h30 à 22h et fonctionnent à l’inverse de la France (on monte par la porte du fond, on descend par celle de devant ; on paie à la descente). Le trajet coûtent 230¥ pour un adulte, 120 pour un gnome. A noter qu’il existe des cartes forfaitaires à la journée (bus ou mixte bus-métro), pratiques et économiques pour enchaîner les visites vu l’éclatement des points touristiques à travers la ville (500¥).

Kyōto : station de bus envahie de touristes.

L’huile de rotule

C’est comme l’huile de coude, mais à moins de marcher sur les mains…
Les gambettes et le vélo sont très prisées par chez moi. Kyōto, paradis de la pédale, où prendre une photo sans avoir un vélo garé dans le cadre n’est pas toujours évident…

La ruche, le nid

La topographie de Kyōto étant relativement plate, monter la petite reine (un vélo, pas une Japonaise) présente l’avantage d’activer les sangs sans trop se crever et de rogner sur les frais de transport passé l’amortissement de la bête. On peut en plus se garer (presque) n’importe où gratuitement. Le sport et les économies, le beurre et l’argent du beurre.
C’est surtout le plus intéressant pour découvrir la ville et ses environs, multiplier les arrêts dans les coins sympas, les petits magasins, les temples, etc. A noter pour les amateurs de sensations fortes et de vélo sans selle, je connais une petite route de campagne qui donne l’impression de rouler sur de la tôle ondulée…
Le touriste lambda peut facilement louer un vélo pour 500-1500¥ la journée, plus un éventuel surcoût d’équipement selon vos besoins (panier, casque, siège bébé…).
Les vols de vélo sont relativement rares. Après avoir constaté qu’à part moi personne n’utilisant d’antivol, j’ai arrêté de m’en servir. Si votre biclou a disparu, il n’est pas exclu de penser que vous étiez garé n’importe où et qu’il a été embarqué par la fourrière. La gare et le centre ville sont les seuls endroits où on ne peut se garer à la ounegaine et où on doit impérativement utiliser les parkings payants.
Niveau sécurité routière, vu le nombre de vélos en circulation, les automobilistes sont carrément rodés et attentifs à ne pas jouer les cow-boys. En dépit d’une conception très personnelle de la conduite, je ne me suis encore jamais fait emplafonner.

Photo bien cadrée et pas du tout surexposée de mon vélo devant un bureau de poste.
(Version mise à jour d’un article initialement publié le 29 mai 2012.)